Rwanda : Affaire du serment, quand le FPR se prévaut de sa propre turpitude !

Ceux qui se connaissent en droit sont familiers avec la locution « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » qui peut se traduire par « personne ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Tout simplement, ceci veut dire que l’on ne peut utiliser en sa faveur une faute que l’on a commise. Prenons l’exemple de quelqu’un qui conduit en état d’ivresse, renverse un piéton, et tente de se dédouaner de son crime en disant que ce n’était pas sa faute, qu’il faut blâmer l’alcool qu’il avait ingéré ! Ou encore, cet homme accusé de malversation financière qui va se défendre en disant qu’il a toujours agi de la même manière, que personne ne s’est plaint, qu’il ne voit pas pourquoi ça lui arrive cette fois-ci ! Dans une manœuvre désespérée visant à défendre son serment et ses manières coercitives de rejoindre sa famille politique, le Front Patriotique Rwandais (FPR) invoque sa propre turpitude.

Tout commence par la circulation d’une vidéo amateur qui montre une centaine de membres de la diaspora rwandaise établis sur le territoire londonien entrain de prêter serment d’allégeance au FPR, un exercice que tout nouveau membre de ce parti est appelé à faire. Jusque-là, tout a l’air normal. Qu’on fasse une promesse de rester fidèle à une cause, ce n’est que logique. Sauf que le serment est non seulement illogique et antidémocratique, mais aussi anticonstitutionnel.

Suivantes sont les paroles prononcées dans ce fameux serment :

« A cette étape indéniable que je franchis, Moi… (Nom et prénom) après avoir bien appris, bien compris et discerné l’assermenté du FPR, je prête serment en jurant

  • Avoir bien appris, compris et discerné le sens de mon engagement au parti avec les autres membres ; 
  • Sauvegarder et être gardien du parti en combattant contre tous les “ennemis du pays” partout où ils seraient et par tous les moyens ; 
  • Respecter sans discuter toutes les directives du parti FPR, actuelles et celles qui viendront ; 
  • Me préparer à être tué par crucifixion comme tout malfaiteur, si jamais je venais à transgresser une directive du parti, car j’aurais trahi tous les rwandais.”

La chaine britannique BBC ne manque d’interpeller l’opinion publique sur ce genre de pratique qui constitue une menace pour les Rwandais en dehors de leur pays.

Le régime de Kigali, éhonté, tente de se justifier. Dans une réaction de l’ambassade du Rwanda à Londres, Kigali adopte une stratégie plutôt de distraction avant de lancer :

« Le serment existe, presque inchangé, depuis la formation du FPR en 1987. Les tentatives des détracteurs de le présenter à tort comme quelque chose de sinistre sont pathétiques ».

Un serment anticonstitutionnel et antidémocratique 

  1. L’article 159 de la Constitution rwandaise telle que révisée à ce jour prévoit que la défense nationale est assurée par les forces de défense rwandaises (FRD). En jurant pour « combattre les ennemis du pays », les membres du FPR se prennent pour membres de l’armée nationale. C’est anticonstitutionnel.
  2. L’article 55 de la même Constitution donne droit à tout Rwandais d’adhérer à un parti politique de son choix ou de n’adhérer à aucun parti. Transgresser la directive du FPR revient à choisir ne plus faire partie de cette organisation, un droit constitutionnel. Que le FPR tue par crucifixion quelqu’un qui exerce son droit, c’est plus que pathétique. Rappelons qu’au Rwanda la peine de mort est abolie depuis le 25 juillet 2007. Et puis, en quoi trahir le FPR, un parti politique comme tous les autres, signifie trahir tous les Rwandais même ceux qui appartiennent à d’autres mouvements politiques ?
  3. Sauf dans des républiques bananières, dans quel autre pays du monde un parti politique contraindrait les citoyens de « respecter ‘sans discuter’ toutes les directives ‘actuelles’ et ‘celles qui viendront’ » sans savoir si, le moment venu, celles-ci répondront aux besoins ou satisferont les intérêts socioéconomiques et politiques, entre autres ?

Conclusion :

A vouloir justifier un serment aussi ignoble, antidémocratique et anticonstitutionnel dans un pays qui se targue d’être un état de droit sous prétexte que le serment existe et reste le même depuis 1987, le FPR mis en difficultés, n’a plus d’arguments et invoque sa propre turpitude. Franchement, ce mouvement est voué à disparaitre.  

Chaste GAHUNDE

Advertisement

Leave a Reply

Fill in your details below or click an icon to log in:

WordPress.com Logo

You are commenting using your WordPress.com account. Log Out /  Change )

Twitter picture

You are commenting using your Twitter account. Log Out /  Change )

Facebook photo

You are commenting using your Facebook account. Log Out /  Change )

Connecting to %s