
Des exemples de cette mauvaise gestion sont légion : certains projets qui, au départ étaient estimés 1,5 milliards de francs rwandais, ont coûté 3 milliards sans aucun justificatif. Un autre marché avait été accordé à un fournisseur à 8 millions de FRW. Mais quand il a terminé les travaux, il a été payé plus de 79 millions de FRW.
Le journal parle d’une autre institution gouvernementale qui a opéré un dépassement de 831 millions de FRW sur son budget initial approuvé par le ministère des Finances.
Ces cas mis en en évidence ci-dessus ne sont pas de la fiction. Ils constituent un instantané d’un rapport de 1 739 pages de l’Auditeur général pour la période juin 2018-juin 2019. Le volumineux rapport a été remis au Parlement le 15 mai.
Le rapport détaille un gaspillage inimaginable de l’argent des contribuables. Les agences gouvernementales dépensent les maigres ressources dont dispose le pays, sans se soucier de la bonne gestion. C’est comme s’ils se disputaient qui ou quelle agence dépensera le plus.
La société parastatale de fournisseur d’eau, WASAC, est l’une des principales agences pointées du doigt dans le rapport. Elle a distribué des marchés pour six offres, pour lesquelles il a payé 6,25 milliards de RWF supplémentaires. Cela saute aux yeux. Il y a eu des magouilles de telle sorte que le PDG de WASAC, Ing. Aimé Muzola, a approuvé plus d’un milliard de francs de dépassement pour chaque projet.
Au cœur du scandale : Bernard Makuza, ancien Président du Sénat; Dr Ndayambaje Irenée, Directeur général de REB; Dr Conco Jeanine, ancienne Directrice générale de RBC; Dr James Gashumba, Vice-Chancelier de Rwanda Polytechnic; Ing. Aimé Muzola, Directeur général de WASAC; Richard Gasana, Maire du District de Gatsibo; Ndayambaje Godefroid, Maire du District de Ngororero; Rutaburingoga Jérôme, Maire du District de Gisagara; Sebutege Ange, Maire du District de Huye; Habyarimana Gilbert, Maire du District de Rubavu; Espérance Mukamana, Directrice générale de RLMUA [photo The Chronicles].
Le projet en question était intitulé : Conception, réhabilitation, mise à niveau et extension du réseau d’approvisionnement en eau dans six (6) villes satellites (Huye, Muhanga, Musanze, Nyagatare, Rubavu et Rusizi). Le projet a été divisé en 6 lots (appels d’offres différents). La vérificatrice générale a constaté de nombreuses irrégularités dans chacune des offres.
Les irrégularités comprennent : les offres attribuées sans entreprendre d’études de faisabilité indépendantes du projet; attribuer la conception, la réhabilitation, la modernisation et l’extension du réseau d’approvisionnement en eau à un seul entrepreneur; et de longs retards dans le processus d’appel d’offres entraînant l’expiration des offres.
Ce projet ci-dessus n’est pas le seul de WASAC à avoir élaboré des offres douteuses. En fait, l’auditeur général a consacré près de 30 pages du rapport à la mise en évidence des préoccupations dans les appels d’offres lancés par WASAC et au total, 87 pages concernent ses différentes sortes d’irrégularités dans les dépenses de son budget de fonctionnement. Au Parlement, l’auditeur général Biraro Obadiah a décrit l’attitude de WASAC comme « exceptionnelle » dans la façon dont il abuse de l’argent des contribuables.
Même dans les plus hautes institutions au sommet de l’Etat, la mauvaise gestion est une règle. Ainsi, au Sénat, la chambre haute du Parlement, où l’on pouvait s’attendre à une stricte adhésion aux lois et règlements, il ressort du rapport que le payement des appels d’offres lancés ont été multipliés par 5 lors des décaissements. Le trop-payé ne s’est pas produit avec un seul marché ou deux appels d’offres. Non! Le dépassement des prix des activités s’est produit avec 3 trois appels d’offres différents. À l’époque, Bernard Makuza, également ancien Premier ministre, était président du Sénat. L’auditeur général a constaté que pour les trois appels d’offres, le Sénat prévoyait de payer un total de 8,2 millions de FRW. Mais, à la fin des contrats, il a payé 79,3 millions de FRW, soit une augmentation de de l’ordre de 900% !
Dans une autre société paraétatique « Rwanda Biomedical Center » (RBC), une agence autonome du ministère de la Santé et qui dirige actuellement la gestion de la pandémie de COVID-19, la façon dont l’argent des contribuables y est utilisé est ahurissante.
Au cours de la période de juin 2018 à juin 2019, il a lancé quatre appels d’offres, pour un total de 197,2 millions de FRW. Les travaux ont été achevés après avoir a payé Rwf 866,9 millions FRW, soit une excédent de plus de 669,6 millions FRW. À l’époque, RBC était dirigée par le Dr Conco Jeanine.
Le gaspillage n’a pas été relevé au niveau du gouvernement central seulement. Au niveau des entités locales, c’est encore pire. Le district de Rubavu, l’une des villes relativement grandes de Gisenyi, également limitrophe de la RD Congo, a déboursé des sommes excessives pour divers projets. La ville a trop-payé dans 17 appels d’offres. Alors qu’au départ le marché avait été conclu pour un budget total de 1,57 milliard de francs rwandais, le rapport de l’auditeur général a constaté que Rubavu a déboursé une somme supplémentaire de 1,48 milliard, soit une augmentation de 95%, approuvée illégalement par le maire Habyarimana Gilbert et son équipe.
Dans le district de Gatsibo, dans l’est du Rwanda, dirigée par Richard Gasana, quatre appels d’offres ont été lancés pour un total de 871,6 millions de FRW. A la fin des travaux, la somme payée s’élevait à près de 1,8 milliard de FRW, soit plus de 831 millions de plus que la somme initiale.
L’auditeur général a signalé que ces paiements de trop avaient été également épinglés dans les rapports des années précédentes. Malgré cela, aucune amélioration significative n’a été faite dans la gestion de la chose publique. A cause des réseaux de toutes sortes et des intérêts convergents, ces détournements sont restés, pour la plupart, sans aucune poursuite.
Gaspard Musabyimana
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