Dans une interview publiée par le journal Jeune Afrique n° 3104 de Septembre 2021, le Président Paul KAGAME revient sur la période de son jeune âge et raconte comment lui, à l’âge de 4 ans, et ses parents ont fui le Rwanda en 1961. L’article est intitulé : « Le joue où j’ai fui le RWANDA pour échapper aux génocidaires ».
Dans son exposé, Paul KAGAME dit, et je le cite : « Je me souviens bien de la dernière fois, quand nous avons été arrachés à notre foyer. Ce jour- là, ils avaient mis le feu à beaucoup d’habitations. Ils tuaient le bétail et les gens et ils semblaient déterminés à se débarrasser de tout le monde aux alentours, en finissant par notre maison qui se trouvait un peu à l’écart de la route principale ». Et il ajoute : « certains hutus avaient remarqué que la voiture envoyée par la cousine de ma mère, la reine, se dirigeait vers notre maison. Ils se signalèrent mutuellement d’interrompre ce qu’ils faisaient afin de se précipiter vers notre habitation pour nous empêcher de nous échapper. La horde des hutus était quasiment arrivée au portail de notre maison au moment où nous venions d’embarquer dans ladite voiture. Nous sommes allés d’abord à Nyanza dans la famille de ma mère et une semaine après, nous sommes partis jusqu’à MUTARA chez les grands-parents avant de traverser la frontière vers l’UGANDA pour rejoindre un endroit appelé Kamwezi ».
La vérité est toute autre !
En novembre 1959, le RWANDA a connu la Révolution sociale, sous l’impulsion de certains leaders hutu (Dominique Mbonyumutwa, Grégoire Kayibanda, Joseph Gitera et d’autres) pour mettre fin à la dictature et à l’esclavage instaurés par la monarchie des tutsi, avec à leur tête le Roi (Umwami). Le pays était encore sous la tutelle de la Belgique et c’est le Roi qui détenait le pouvoir, en étroite collaboration avec les représentants du gouvernement belge au Rwanda. A la suite de cette révolution, certains tutsis, notamment les chefs et les sous-chefs de territoires, n’ont pas accepté ce vent de changement et ont commencé à assassiner certains leaders hutus à travers le pays. Rappelons, entre autres, les victimes hutues ci-après : Polepole Mukwiye, Sindibona, Secyugu. En fait, un certain nombre de dignitaires tutsis ont fui le pays au motif qu’ils ne supportaient pas d’être sous l’autorité des hutus qui étaient juste avant leurs subordonnés, leurs esclaves!
La famille de Paul KAGAME habitait à Ruhango, une petite ville située au centre du Rwanda, dans l’ancienne Préfecture de Gitarama et elle est restée sur place jusqu’en 1961. Paul Kagame a parlé d’une horde de hutu qui seraient venus jusqu’au portail de leur habitation, ajoutant que sa famille serait partie vers une autre ville voisine, celle de Nyanza. Si c’étaient vraiment des génocidaires, ils auraient pu poursuivre sa famille jusque-là au lieu de la laisser tranquille durant une semaine. En réalité, pendant cette Révolution qui allait être confirmée le 28 janvier 1961 avec l’avènement de la République, les hutus ont laissé partir à l’étranger les tutsi qui le voulaient. Il arrivait même qu’ils les accompagnent en transportant leurs affaires jusque dans les régions réservées ou recommandées, notamment le Bugesera et le Mutara. Pour preuve, Paul Kagame a reconnu avoir rejoint ses grands- parents au Mutara, sans aucun obstacle.
Oser parler de génocidaires hutus en 1959-1961, c’est tout simplement dénaturer la vérité des faits : Paul Kagame omet curieusement de mentionner que sa tante, la reine Gicanda, est restée au Rwanda dans sa résidence située à Butare dans le sud du pays et que le même Kagame, réfugié en Uganda, est revenu lui rendre visite, à plusieurs reprises, sans être inquiété par les services de l’Etat rwandais qui étaient certainement au courant de ses allées et venues. Paul Kagame ne signale pas non plus qu’en 1965, son père, également réfugié en Uganda, est revenu à Ruhango dans son village où il a retrouvé tranquillement ses amis avant de retourner en exil. Par ailleurs, les attaques des rebelles « Inyenzi », devenus par après le FPR-Inkotanyi, contre le Rwanda, ont commencé au début des années 1960 et se sont poursuivies jusqu’en 1968, sans que cela constitue une menace pour la sécurité de la parenté de Kagame présente au Rwanda. Enfin, le beau-père de Kagame et la femme de ce dernier, Jeannette Kagame, ont vécu des années à Kigali, capitale du Rwanda, en vaquant quotidiennement à leurs affaires et en toute quiétude, dans les années 1980, alors que le pays était dirigé par la majorité hutus.
L’histoire du Rwanda falsifiée à des fins politiciennes
Depuis que le FPR-Inkotanyi a pris le pouvoir en 1994, après avoir abattu l’avion qui transportait le Président Juvénal Habyarimana et d’autres personnalités, élément déterminant qui a déclenché le génocide au Rwanda, celui-ci est devenu un fonds de commerce pour le régime dictatorial de Kagame qui ne cesse de l’évoquer à tort et à travers pour faire taire, voire tuer, tous ceux qui osent fustiger et condamner ses mensonges et ses crimes innommables. Les observateurs avisés de la situation du Rwanda savent aussi que le FPR-Kagame travaille savamment à la falsification de l’histoire, dans le but à peine voilé de disqualifier, pour de bon, les hutus dans la course à la direction du pays. En effet, en les traitant globalement de génocidaires, y compris les premiers leaders ayant instauré la république au Rwanda, le FPR envoie au monde entier le message selon lequel la majorité hutu ne doit plus prendre le pouvoir, soi-disant pour la sécurité des tutsi dont les vies seraient encore une fois menacées si les hutu revenaient aux affaires.
Nous tenons à souligner que ni les manipulations, ni les intimidations du régime du FPR-KAGAME ne nous détourneront de notre combat pour la vérité. Nous osons espérer que le journal « Jeune Afrique » qui a publié ladite interview accordée au Président Paul Kagame, daignera diffuser la présente mise au point. Le but est que cette version contradictoire permette aux lecteurs intéressés, en particulier les Rwandais, de connaître la vérité, et rien que la vérité, sur ce point précis qu’est la fuite du Rwanda de la famille de Kagame au début des années 60.
Fait à Bruxelles le 30 septembre 2021.
Faustin Twagiramungu
Ancien Premier Ministre du Rwanda
et témoin de l’histoire rwandaise