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La normalisation des relations avec le Rwanda ne doit pas se faire à n’importe quel prix.

ENTRETIEN. Le colonel belge Luc Marchal est l’ancien numéro 2 de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR). Il a été au cœur des événements dramatiques de 1994. En ce jour de visite officielle d’Emmanuel Macron au Rwanda, nous l’avons interrogé sur ce dossier brûlant.

Colonel Luc Marchal : « la normalisation des relations avec le Rwanda ne doit pas se faire à n’importe quel prix »

Front populaire : Le président français est à Kigali aujourd’hui. Que pensez-vous de cette visite ?

Luc Marchal : Pour être sincère et bref, cette visite me fait penser à une autre visite historique. Celle rendue par Edouard Daladier et Neville Chamberlain au chancelier Adolf Hitler en septembre 1938 et qui s’est concrétisé par la signature des accords de Munich. Le but des émissaires franco-britanniques était de sauver la paix, mais au prix du dépeçage de la Tchécoslovaquie. C’est ce qui fit dire à Winston Churchill : Ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix. Ils auront le déshonneur et la guerre. Qu’en sera-t-il des conséquences de la visite du président Macron à Kigali ? L’avenir nous le dira. En tout cas, au-delà des intérêts franco-français qui sont en jeu, si l’une des conséquences est l’officialisation de la balkanisation en cours de la République Démocratique du Congo, notamment par le Rwanda, alors cette visite serait bel et bien un véritable Munich bis.

FP : Faut-il « normaliser les relations » avec un État qui, en la personne de son président Paul Kagamé, accuse la France de complicité de génocide depuis des années ?

LM : Je peux comprendre qu’une normalisation des relations entre la France et le Rwanda soit recherchée, mais je reste d’avis que cela ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Voilà des années que la France est accusée de toutes les forfaitures par le président rwandais. Voilà des années que celui-ci jette l’opprobre sur l’armée française et son action au Rwanda. Plusieurs ressortissants français ont été assassinés en avril 1994 : l’équipage du Falcon 50 et deux gendarmes ainsi que l’épouse d’un des deux. Sans oublier les innombrables autres victimes. Vouloir faire table rase du passé et considérer ces victimes comme des dégâts collatéraux au prix d’une hypothétique normalisation me paraît difficilement acceptable. Pour exprimer mon sentiment, je reprendrai les paroles du Dr. Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix : lorsque vous essayez de sacrifier la justice sur l’autel de la paix, vous n’avez finalement ni justice ni paix.

FP : Vous avez été aux premières loges de toute cette histoire dans les années 1990. Pouvez-vous nous raconter votre rôle ?

LM : Je suis arrivé au Rwanda le 04 décembre 1993, pour occuper, au sein de la Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda (Minuar), la fonction de commandant du Secteur Kigali. Le déploiement de cette mission des Nations Unies était la conséquence des accords de paix d’Arusha, signés le 4 août 1993 entre le gouvernement rwandais de l’époque et le Front patriotique rwandais (FPR). Consécutivement à ces accords de paix, le Conseil de Sécurité des Nations Unies fixa le cadre juridique de la Minuar, le 5 octobre 1993, par le vote de la résolution 872. Le Secteur Kigali était une vaste zone d’environ 1.000 Km² englobant la capitale du pays ainsi que l’aéroport international Grégoire Kayibanda. Au sein de cette zone sous mon contrôle opérationnel, mieux connue sous l’appellation de « Zone de consignation des armes », un protocole d’accord définissait très minutieusement ce qui était autorisé et ce qui ne l’était pas. Ce protocole avait été négocié et signé par les parties concernées par le processus de paix, soient : le gouvernement rwandais, le FPR et la Minuar. Cette description très générale de ma mission est destinée à faire comprendre que dans l’exercice de mon commandement, j’étais en contact direct non seulement avec les autorités militaires du Rwanda et du FPR, mais également avec les différentes autorités politiques et administratives lorsque leur domaine de compétence touchait à l’exécution de ma mission, ce qui était plutôt fréquent.

FP : L’assassinat du président Habyarimana a eu un rôle clef dans le drame rwandais. Que savez-vous de cet événement ?

LM : En effet, cet attentat est bien l’élément déclencheur des tragiques événements qui l’ont suivi et dont les conséquences déstabilisatrices sont toujours d’actualité dans la région des Grands Lacs.

Je l’ai vécu au premier degré, bien conscient de son caractère historique et de ses conséquences potentielles. Soit la Minuar parvenait à gérer la situation et éviter la reprise des hostilités entre les forces gouvernementales et le FPR de Kagamé, soit c’était le chaos garanti. On sait ce qu’il en a été.

Ce n’est que plus tard, une fois rentré en Belgique, que j’ai été en mesure de prendre le recul nécessaire afin d’analyser cet attentat au regard de mon vécu. Tout d’abord, quand je me suis retrouvé à la réunion du comité de crise qui s’est tenue à l’état-major des Forces armées rwandaises (FAR), de suite après l’attentat, je n’ai pu que constater que j’étais en présence d’hommes profondément bouleversés et désemparés par ce qui venait de se passer et non face à des conspirateurs. Leur démarche n’avait d’autre but que d’évaluer les conséquences de la disparition du chef de l’État et du chef d’état-major de l’armée afin d’éviter que ce vide du pouvoir ne débouche sur l’anarchie. Sans la moindre ambiguïté possible, ils ont fait appel à la Minuar pour les aider à gérer cette crise issue de l’attentat et aussi pour répercuter vers le Conseil de Sécurité l’expression de leur volonté de voir les institutions de transition se mettre en place le plus rapidement possible, conformément aux accords d’Arusha. Si des organisateurs de l’attentat s’étaient trouvés à ce moment-là autour de la table, cette réunion se serait déroulée de manière bien différente et qui plus est, dans pareille éventualité, j’ai de sérieux doutes que le général Dallaire et moi-même aurions été conviés à y participer.

D’autre part, au plan technique, un coup d’État est quelque chose qui répond à des critères généraux. Si l’on veut garantir le succès de l’opération, on ne prend aucun risque. Tous les éléments militaires et paramilitaires sur lesquels les organisateurs peuvent s’appuyer sont d’emblée injectés dans le scénario, de façon à exclure tout risque de surprise et mettre le pays devant un fait accompli. Ce n’est, mais alors pas du tout, la situation qui prévalait à Kigali dans les heures qui ont suivi l’attentat. Nombre de témoins directs ont déclaré que la nuit du 6 au 7 avril 1994 avait été particulièrement calme. Moi-même, j’ai traversé, sans la moindre escorte armée, une partie de la ville vers 2 heures du matin et j’ai pu constater de visu l’absence de tout dispositif militaire ressemblant de près ou de loin à un état de siège. Non, décidément, ce contexte ne correspondait en rien à un coup d’État qu’un noyau d’extrémistes purs et durs aurait organisé.

FP : En revanche, l’attentat a été suivi de l’offensive du FPR de Kagamé pour prendre le pouvoir au Rwanda…

LM : À ce manque de prise en main du pouvoir, par l’une ou l’autre faction connue pour son opposition au processus de paix ou à la personne du chef de l’État, correspond effectivement le démarrage immédiat d’une offensive militaire d’envergure du FPR. Cette offensive, en totale contradiction avec les accords de paix d’Arusha, se terminera trois mois plus tard par une conquête sans partage du pouvoir. En tant que militaire, la simultanéité entre l’attentat et le déclenchement de cette offensive militaire m’amène à formuler les considérations suivantes : Primo, il est impossible de profiter d’une opportunité, telle que la disparition du président Habyarimana et du général Nsabimana (chef d’état-major des FAR), pour improviser une offensive générale mettant en œuvre de nombreuses unités aux missions totalement différentes. Bien au contraire, pareil engagement ne peut qu’être le résultat d’un processus majeur de préparation comportant la conception de la manœuvre sur le plan stratégique, la diffusion des ordres jusqu’aux plus petits échelons et la mise en place de milliers d’hommes, dans les positions de départ, prêts à réagir à l’ordre d’exécution.

Tout cela ne s’organise pas en claquant des doigts, mais exige au contraire des délais importants et incompressibles. Il ne faut pas être un grand stratège pour comprendre ce genre de contrainte, c’est une question de bon sens élémentaire. Autre considération : le FPR n’aurait pas été en mesure d’assurer le punch et la continuité de son offensive sans la constitution préalable de stocks importants de munitions, d’armements, d’équipements et de matériels divers. Bref, une logistique à l’échelle des moyens humains mis en œuvre durant plus de trois mois d’opérations. Il n’y a aucun miracle en la matière, pas d’opérations militaires sans logistique adaptée. Or, c’est exactement la crainte que le général Nsabimana m’avait exprimée quelques jours plus tôt. Au cours d’une entrevue, le 30 mars exactement, soit sept jours à peine avant l’attentat. Il me confiait son intime conviction que le FPR allait reprendre la guerre dans les jours suivants. Il fondait précisément cette conviction sur les stocks logistiques importants constitués depuis des semaines par le FPR le long de la frontière en Ouganda. À ma réplique sur le fait que le FPR ne pouvait se permettre pareille aventure sous le regard direct de la communauté internationale, il me répondit mot pour mot ceci : « le FPR n’a que faire de telles considérations ; l’erreur que vous (Minuar) commettez est de lui prêter le même raisonnement que le vôtre, mais la réalité est bien différente ; le FPR est un mouvement révolutionnaire et c’est en tant que tel qu’il raisonne et définit ses propres objectifs ; contre des révolutionnaires, conclut-il, si vous n’adoptez pas les mêmes méthodes vous serez toujours perdants. » Point n’est besoin, je crois, d’expliquer que cette conversation m’interpella au plus haut point, non seulement au moment même, mais surtout des semaines plus tard quand je me suis remémoré ces paroles et que je les ai confrontées à la réalité des événements.

D’autre part, lorsque le FPR reprit les hostilités à Kigali, le 7 avril 1994 vers 16h30, il justifia sa décision unilatérale par la nécessité de mettre un terme aux massacres des Tutsis. Or, le 12 avril, soit au 5me jour de son offensive générale, il a déjà infiltré, à ma connaissance, trois bataillons supplémentaires à Kigali. Je dis « à ma connaissance » car il s’agit d’une constatation personnelle. Cela n’exclut nullement, comme d’aucuns l’affirment, que le FPR disposait de beaucoup plus de combattants à Kigali. Quoi qu’il en soit, avec ces trois bataillons infiltrés et celui qui se trouvait déjà sur place, le Front possède une force capable d’agir contre les massacres qui prennent de plus en plus d’ampleur dans la capitale. Qui plus est, ce même 12 avril, dix officiers supérieurs des FAR signent un manifeste que l’on peut qualifier, dans les circonstances du moment, de très courageux. Dans ce document, ils font un appel direct et solennel au FPR en vue de conclure un cessez-le-feu immédiat et de conjuguer leurs efforts pour « éviter de continuer à verser inutilement le sang des innocents ». Cet appel ne suscita aucun écho, avec pour conséquence directe l’amplification des tueries. À aucun moment je n’ai pu constater que, d’une manière ou d’une autre, le FPR tentait de s’opposer aux massacres des Tutsis à Kigali. Pourtant les forces dont il disposait sur place étaient parfaitement en mesure de sécuriser certains quartiers situés à proximité des zones qu’il contrôlait militairement et créer ainsi des zones refuge. De toute évidence le sort réservé à ces lointains parents de l’intérieur ne faisait pas partie de leurs priorités. Qui plus est, la pugnacité avec laquelle ces mêmes autorités du FPR ont exigé le départ des troupes étrangères venues évacuer les expatriés, plutôt que de requérir leur collaboration pour stopper net le carnage, est éminemment suspecte ; comme si le FPR craignait de se voir contrer, par la communauté internationale, dans ses plans de conquête du pouvoir par les armes.

Non seulement à aucun moment le FPR n’a sollicité l’appui de la Minuar pour juguler le chaos qui s’installait, mais au contraire il l’alimenta. Le 10 avril, il lança un ultimatum à la Minuar, lui signifiant que si le bataillon ghanéen déployé dans la zone démilitarisée n’avait pas quitté ses positions dans les 24 heures, il serait pris sous ses tirs d’artillerie. Dieu sait si un cessez-le-feu aurait permis de mettre un terme au martyre de la population. Je ne peux que témoigner que toutes les demandes de cessez-le-feu exprimées par le général Dallaire ou par les FAR essuyèrent une fin de non-recevoir du FPR. Ceci n’est pas une interprétation tendancieuse de la réalité, c’est un fait. Le général Nsabimana ne s’était pas trompé : le FPR menait sa guerre conformément à ses seuls objectifs, sans se soucier le moins du monde du sort des populations locales ou de l’opinion de la communauté internationale. J’aurais encore bien d’autres considérations à formuler sur l’aspect militaire de ces événements. Je pense cependant que la relation de ce qui précède est suffisamment explicite pour réaliser que la version des faits que certains voudraient faire admettre comme vérité historique est pour le moins sujette à caution. La communauté internationale qui, il est vrai, a fait preuve d’une immense lâcheté au moment du génocide n’a aucune raison de continuer à se laisser intoxiquer par le discours de celui qui prétend, urbi et orbi, avoir mis un terme au génocide, alors que tout laisse penser qu’il en est le principal artisan.

FP : Pensez-vous que toute la lumière sera un jour faite sur le dossier complexe du Rwanda ? Qui aurait intérêt à entraver l’émergence de la vérité ?

LM : Je ne peux qu’espérer ardemment que la lumière soit faite sur ce dossier. Non seulement que la vérité historique soit établie sans contestation possible, mais aussi que justice soit rendue aux millions de victimes que certains souhaiteraient reléguer dans les oubliettes de l’histoire. Ces deux conditions – Vérité et Justice – sont les conditions indispensables à la stabilisation de la situation dans la région des Grands Lacs. Je crains malheureusement que l’indispensable manifestation de la vérité soit entravée par ceux qui ont soutenu la prise de pouvoir par les armes de l’actuel président du Rwanda et qui ont couvert l’invasion du Congo-Zaïre en 1996 par une coalition de pays africains sous le leadership du Rwanda. Il suffit de s’intéresser aux multinationales qui exploitent les richesses minières de l’actuelle République Démocratique du Congo pour comprendre à qui profite le crime. Si en 2021 on ne sait toujours pas officiellement qui est responsable de l’attentat du 6 avril 1994, ce n’est pas l’effet du hasard ou d’éventuelles négligences coupables. Non, certains pays, dont les USA sont le pion majeur, ne tiennent pas à ce que leur implication dans la tragédie des Grands Lacs soit officialisée. Pourtant, le rôle des USA a été mis en lumière par l’ancienne sénatrice démocrate Cynthia McKinney qui fut l’envoyée spéciale de Bill Clinton en Afrique durant les années ’90. C’est en cette qualité qu’elle a témoigné du rôle choquant joué en Afrique centrale par l’administration américaine sous la présidence de Bill Clinton et ensuite par l’administration Bush. Voilà l’obstacle majeur à la manifestation de la vérité.

Colonel Luc Marchal

Un petit geste noble d’unité et de justice: Apollinaire Hitimana

Texte de Mukundente Ariane

Nous sommes toujours dans les cent jours de commémorations du génocide contre les Tutsis. Il y a des activités d’ici et là pour souligner cette période noire de l’histoire du Rwanda. Parmi ces activités on peut citer celles d’unité et réconciliation pour le vivre ensemble des rwandais. Parmi toutes ces activités, j’aimerais y insérer un acte qui a sa place dans cette période, car il a un rapport avec le génocide et le rectifier serait un geste de bravoure d’unité et de justice.

Regardez les deux photos ci-bàs. À gauche, c’est la photo d’un rwandais, Apollinaire Hitimana, 68 ans, prise octobre 2020. À droite, c’est le même homme, Apollinaire Hitimana, 42 ans, prise juin 1994. Cette dernière photo avec la machette à la main est la photo qui est exposée à Kigali Genocide Memorial pour représenter un génocidaire. Avertissement de la plus haute importance: Mr. Hitimana n’est pas génocidaire, il était même parmi les personnes intègres choisi pour diriger les procès Gacaca tel que mentionné dans cette article de BBC en Kinyarwanda. Cette photo a été prise par Alexander Joe de l’AFP qui était avec les militaires du FPR qui ont demandé à Mr. Hitimana de poser avec la machette à la main (lire l’article de BBC).

Les autorités rwandaises ont reconnu qu’il y a eu une erreur et que ce citoyen est irréprochable pour ce qui est du génocide. Maintenant, imaginez ta photo exposée devant le monde entier où chaque visiteur identifie ton visage comme le prototype d’un génocidaire, le plus grand des crimes! Ce serait une injustice pour toi, n’est-ce pas? Demain, le Président Macron va visiter le Memorial de Gisozi. Quand il va passer devant cet homme, il lira la description et on le lui présentera comme un génocidaire, alors que c’est un mensonge, cet homme est innocent! Je sais que c’est un pauvre paysan et que tout le monde s’en fout. Mais, imaginez si c’était vous ou quelqu’un de votre famille, vous réagirez n’est-ce pas? Il n’est pas de ma famille et je ne le connais pas, mais cette personne aurais pu être moi, car c’est un être humain comme moi.

Alors, j’ai une requête à demander, humblement, à qui de droit : sans égard à Macron ou toute autre personne qui a visité ou visitera ce memorial, juste par souci de justice, d’unité et de retourner cet homme sa dignité, dans cette période de commémoration du génocide contre les Tutsis, s’il vous plaît, retirez cette photo du Memorial de Gisozi. Ça ne coûte rien, c’est juste un petit geste de lever le bras et de la retirer. Si vous voulez, ce n’est pas les génocidaires qui manquent, vous remplacerez sa photo par une autre de quelq’un dont vous avez la certitude qu’il a commis le génocide. S’il vous plaît, soyez juste, faîtes un geste courageux et rendez juste à cet homme en retirant cette abominable photo.

Normalement, il devrait avoir des compensations pour sa réputation et son honneur bafoués, mais un petit geste de retirer cette photo est déjà un pas dans la bonne direction.
Un petit geste logique que je pourrais qualifier de grand geste pour le Rwanda, car apparemment ça exige un effort herculéen pour rendre justice à ce citoyen rwandais et donner, par conséquent, la vraie version de l’histoire du génocide contre les Tutsis pour ce qui est de cette photo. S’il vous plaît, agissez!

Source: Facebook page

Bon voyage, Monsieur le Président !

C’est là mon souhait au président français, Son Excellence Emmanuel Macron, qui se rendra au Rwanda à la fin de ce mois de mai 2021. Bon voyage à l’allée, bon voyage durant son séjour au Rwanda, bon voyage de retour à Paris. Et surtout bon voyage vers son entrée dans l’histoire. Il y est déjà entré de son vivant pour avoir été, après Napoléon I Bonaparte et jusqu’à date, le plus jeune français à accéder à la magistrature suprême de ce pays. Aujourd’hui, c’est par une autre voie qu’il presse le pas pour y entrer définitivement, une fois pour toutes.

Tel un bélier, les yeux fermés et la tête baissée, il fonce à toute allure sous les acclamations et les applaudissements à tout rompre de supporters fanatisés. Mais contre qui ce jeune bélier se déchaîne-t-il, ignorant les conseils les plus avisés des politiciens, des politologues, des sages, des historiens et autres hommes et femmes de terrain ? C’est, sans plus ni moins, contre l’honneur de la République Française. Il le fait en vouant aux gémonies, en proposant sciemment ou inconsciemment à la « damnatio memoriae » l’un de ses plus éminents prédécesseurs : François Mitterrand d’heureuse mémoire, président de France entre 1981 et 1995[1].

De quoi accuse-t-il Mitterrand ? D’avoir mené le pays des droits de l’homme à des « responsabilités accablantes » dans le génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda, tout en écartant l’idée d’une « complicité » française avec les génocidaires. Quand un accusateur pointe de l’index l’accusé, il ne se rend pas compte que les 4 autres doigts de sa propre main, à commencer par le pouce, sont tournés vers lui-même ! Admettons par impossible que le l’administration Mitterrand ait été responsable des faits qui lui sont reprochés. Est-ce que le président Emmanuel Macron se rend compte qu’il flirte aujourd’hui au Rwanda avec un régime dix, cents, mille fois plus génocidaire que celui de Juvénal Habyarimana (1973-1994) ? Dire haut et fort que ce régime a commis un génocide des Hutus au Rwanda et en République Démocratique du Congo n’a rien à voir avec une quelconque négation ou banalisation de celui des Tutsis. Par ailleurs, le génocide des Hutus a fait plus de victimes que celui des Tutsis, il a commencé avant lui et il continue jusqu’aujourd’hui. Il est facile d’en donner les preuves. Elles sont là, elles crèvent les yeux.

Oui, la France a des intérêts économiques, financiers et géopolitiques à défendre dans la Région africaine des Grands Lacs. Mais pas à n’importe quel prix. Et surtout pas au prix de la vérité historique, pas aux prix de l’honneur et de la grandeur de la France.

« Aux armes, Citoyens [français et rwandais]. Formez vos bataillons » (La Marseillaise).

Fortunatus Rudakemwa

echosdafrique.com


[1] La “damnatio memoriae” était un ensemble de condamnations post mortem à l’oubli voté par le Sénat romain à l’encontre d’un personnage politique. Elles consistaient par exemple en l’annulation de ses honneurs, l’effacement de son nom sur les inscriptions publiques, la déclaration de son anniversaire comme jour néfaste ou le renversement de ses statues.

RDCongo – Rwanda : Prof Auguste MAMPUYA réagit aux propos de Paul Kagame.

Par son arrogance, Kagame ne mérite aucun ménagement

7SUR7

La dernière déclaration du président rwandais Paul Kagame sur les crimes commis à l’Est en République démocratique du Congo continue à susciter des réactions au sein de l’opinion nationale. 

En effet, lors d’une interview accordée à deux médias français lundi dernier, en marge du sommet de Paris sur les économies africaines, le chef de l’État du Rwanda a déclaré qu’il n’y a pas eu des crimes commis par des armées étrangères dans les Kivus. Pour lui, c’est la “théorie du double génocide qui est à l’œuvre“. Il avait aussi qualifié le Prix Nobel de la paix 2018, le docteur congolais Denis Mukwege, qui réclame l’application du rapport Mapping, de quelqu’un manipulé par des “forces obscures”.

Ces propos ne sont pas passés inaperçus en RDC. Ils ont suscité de l’indignation et de l’émoi auprès des congolais. Certains ont appelé à des manifestations devant l’ambassade du Rwanda à Kinshasa. Dans une interview accordée à 7SUR7.CD ce samedi 22 mai 2021, le professeur Auguste Mampuya est revenu sur ce sujet. Il a affirmé que Paul Kagame, par son “arrogance, ne mérite aucun ménagement“. Dans cette interview, le constitutionnaliste revient sur les raisons de l’échec pour le moment d’attraire devant la justice internationale le Rwanda contrairement à l’Ouganda. Quant à la réaction officielle, le professeur la trouve pas assez large car le ministère des affaires étrangères ainsi que les deux chambres du Parlement devraient aussi réagir, pas seulement le président de la République.

Ci-dessous l’intégralité de cette interview.

7SUR7 : Tout le monde sait que le Rwanda était avec l’Ouganda dans l’agression que notre pays a subie en 1998, peut-être même en y jouant le rôle de locomotive. Mais tout le monde est également étonné que seul l’Ouganda ait été jugé par la justice internationale. Qu’est ce qui explique que le Rwanda échappe ainsi à la justice ?

AM : C’est une situation qui a énervé beaucoup de gens, en premier les victimes congolaises de l’Est de notre pays, de voir que l’un de nos deux agresseurs de 1996 et de 1998, sans doute le plus grand, n’ait pas été inquiété par la justice internationale, ni pour les crimes commis par ses armées (responsabilité de jus in bello) ni pour l’agression elle-même (responsabilité de jus ad bellum). Mais, tous les internationalistes savent que si les décisions de la justice internationale sont obligatoires pour les parties ayant comparu devant elle pour un différend qui les oppose, aucun Etat n’est cependant obligé de répondre devant les instances judiciaires internationales, en particulier la Cour internationale de justice de La Haye, sans son consentement,  soit en reconnaissant à l’avance que les différends entre lui et d’autres Etats soient soumis à la Cour soit qu’à la survenance d’un différend son consentement à soumettre ce dernier à la Cour soit sollicité et obtenu notamment par l’autre partie au différend. Dans notre cas, si  la RDC a prouvé sans contestation aucune que l’Ouganda avait reconnu la compétence de la Cour pout tout différend, il ne réussit pas à le faire pour le Rwanda. En effet, lors d’une première requête, il fut manifeste que, en l’absence d’une déclaration d’acceptation de la compétence obligatoire de la Cour, celle-ci ne pouvait pas être valablement saisie et être compétente pour en juger ; tandis qu’à une deuxième requête (2002), la RDC fit appel à plusieurs traités et conventions comprenant une clause de reconnaissance de la compétence de la Cour et qui liaient les deux Etats, il se trouva qu’à chaque fois le Rwanda avait exclu la clause compromissoire reconnaissant la compétence de la Cour internationale de justice. C’est ainsi que, à la différence du cas de l’Ouganda, cette Cour n’a pas pu connaître judiciairement du cas d’agression dont tous les Congolais accusent encore le Rwanda.

7SUR7 : L’impunité du Rwanda est donc irréversible ? On ne peut plus rien faire pour rattraper la situation ? Faiblesse diplomatique ?

AM : La Cour internationale de justice n’est pas l’unique cadre de règlement pacifique des différends entre Etats. Il y a avant tout le cadre diplomatique, les deux Etats discutant de leurs relations et s’accordant à en régler tel aspect par la négociation. Concrètement, la RDC, au cours d’une telle éventuelle négociation, mettrait cet aspect de la responsabilité et des réparations sur la table pour amener le Rwanda à reconnaître sa responsabilité et à accepter de réparer. L’occasion nous en avait été donnée lors de la conclusion des deux « accords de paix », l’accord de Pretoria (30 juillet 2002) avec le Rwanda, et l’accord de Luanda (6 septembre 2002) avec l’Ouganda, mais ces aspects n’y furent pas évoqués. Je connais personnellement les négociateurs congolais de ces accords, je ne crois pas que ce fut par ignorance, mais la RDC négociait en position de faiblesse, avec une bonne partie du territoire encore occupée par les armées des deux Etats, vainqueurs triomphants défiant l’ONU et l’UA, une armée à sa propre recherche et un gouvernement vacillant ; les deux accords se limitèrent à envisager les conditions de l’évacuation du territoire congolais, celui de Pretoria n’évoquait même pas quelque litige que ce soit, tandis que celui de Luanda parlai dans l’une de ses dispositions des « relations judiciaires » mais se contenta de les renvoyer à des recherches d’arrangements à l’amiable, qui n’eût pas lieu. Aujourd’hui il est sans doute trop tard pour une telle voie, difficile d’identifier les autorités congolaises qui, dans le rapport de force actuel, toujours défavorable à notre pays, seraient capables de convaincre diplomatiquement un Kagamé hautain et supérieur pour qu’il s’humilie à accepter qu’il a commis une agression en RDC et y a commandité des centaines de crimes internationaux.
Une autre possibilité de recourir à la Cour de La Haye existe. En effet, avec un Etat dans la situation du Rwanda n’ayant pas reconnu la compétence de la Cour, le Règlement de celle-ci prévoit que la RDC, en l’occurrence, pourrait solliciter et obtenir du Rwanda son consentement pour que le différend soit malgré tout soumis à la Cour. Avec le caractère exécrable de nos relations en ce moment, avec le mépris maintes fois exprimé de Kagamé à l’égard de la RDC tout en fricotant avec certaines de ses autorités, sauf véritable délivrance et guérison miraculeuse du maître du Rwanda, cette éventualité est difficilement envisageable, alors que Kagamé dit à la ronde n’avoir rien fait de mal en RDC. 

7SUR7 : Comment jugez-vous les derniers incidents en marge de la conférence de Paris ?

AM : Après avoir fait chanter Paris depuis des années et avoir vu la France, réagissant mal à ce que tout l’Occident avait considéré comme un remord collectif, une sorte de sourde culpabilité, a fini par donner à Kagamé ce qu’il voulait, l’humiliation de la France, en tout cas ressenti comme tel par nombre de milieux français, pour avoir mené une opération décidée par la communauté internationale à travers le Conseil de sécurité. On connaîtra peut-être plus tard quels intérêts, au regard de ce que peut offrir la RDC, les dirigeants actuels de la France visent dans la relation dorénavant privilégiée avec le Kigali d’un certain Kagamé ; coup supplémentaire, alors que notre Chef était encore à Paris, le Président Macron annonçait avec fierté son voyage au Rwanda à fin mai, où il aura 
Quant à Kagamé, il est une montagne de mépris et d’arrogance, surfant sur un fonds de commerce commode et apitoyant, le génocide rwandais de 1994, il a profité d’une sorte de mauvaise conscience ressentie par la communauté occidentale pour son impuissance lors du déclenchement du génocide ; il en a obtenu une sorte de forfait, à mon avis injustifié, de sympathie des Occidentaux prêts à lui tout pardonner et lui tout permettre, au point de longtemps minimiser les malheurs que Kagamé avait fait subir à la RDC et à son peuple. Un homme qui a exploité le malheur de ses compatriotes pour en faire un background fructueux pour son ascension personnelle vers un pouvoir dictatorial sans partage ; on lui a tout permis, on a multiplié les dons et les investissements, on a fait fi des droits de l’homme et des droits politiques qu’il ignore totalement, excusé les crimes de sang qui ont accompagné cette ascension, certains commis sur le territoire d’autres Etats souverains… Du haut du piédestal qu’il s’est ainsi donné, il traite le Congo avec mépris, s’attribuant le pouvoir de considérer selon ses propres critères les dirigeants congolais, sans jamais manquer l’occasion d’égratigner le peuple lui-même. Qu’une telle masse d’orgueil et d’arrogance, jouissant de l’impunité garantie par les puissances favorables, nie toute existence de crimes à l’Est de la RDC ne peut surprendre que des naïfs. Alors que nous ne cessons nous-mêmes de répéter que nos relations avec le Rwanda sont très bonnes, qu’on est entre frères, que nous laissons entendre même que nos agresseurs impénitents, Rwanda et Ouganda, sont aujourd’hui en train de « nous aider » pour la pacification de l’Est, oubliant que pyromanes-pompiers, ça existe. Je voudrais juste dire comment nos attitudes floues ou ambiguës sont exploitées par ces adversaires, ennemis de guerre avérés. L’Ouganda n’a pas raté l’occasion de fanfaronner que c’est grâce à lui que le cas M23 fut réglé, qu’il joue un rôle décisif pour la pacification de l’Est, et, pays sous-développé qu’il est, fait état de projets de développement qu’il va mener pour l’Est de la RDC.
Tout patriote devrait non pas se sentir mais se dire indigné et l’exprimer haut et fort, tout en étant conscient que ces pays sont des voisins mais sans plus, sans nous laisser berner par des expressions genre « frères et amis », et n’y voir que des Etas étrangers dont les relations avec nous sont soumises au droit international, comme avec tous les autres, au droit de l’Union africaine et aux us et coutumes diplomatiques qui, malgré les conventions de Vienne, portent au frontispice le principe de réciprocité. 

7SUR7 : Quelle aurait dû être la réaction des autorités congolaises ?

AM : Une première réaction. On dirait que nous sommes quelque peu timides ou comme bloqués ; si les diverses franges de l’opinion publique réagissent, du côté des autorités tout le monde attend que ce soit uniquement le PR. Pourtant le ministère des affaires étrangères et les deux chambres à travers leurs commissions chargées des relations extérieures peuvent agir, séparément ou ensemble par exemple par l’audition du ministre par telle commission. Deuxième observation, le seul Président de la République qui s’est prononcé, sans être relayer par le gouvernement, dont c’est le rôle, a, selon moi, non pas réagi mais répondu à la substance des propos fallacieux du maître absolu de Kigali, à savoir en rétablissant la vérité qu’il y a eu des rapports internationaux attestant l’existence de crimes étrangers en RDC et que le Dr Mukwege est une valeur nationale à laquelle est attaché tout Congolais. Mais selon moi, nous n’avons pas à nous dissimuler derrière des rapports internationaux, des massacres ont eu lieu dans des villages, des millions de vies ont été fauchées, des fosses communes et autres charniers ont été découverts, des entreprises et des ressources ont été pillées, nos victimes existent, tout cela parle et témoigne, ces associations des victimes si nombreuses dans l’Est ce n’est pas du théâtre de chez-nous ; il y a donc, au-delà des rapports, des preuves humaines et matérielles, qui ont creusé de véritables sillons dans la chaire des Congolaises et des Congolais. J’avoue qu’on aurait dû sentir et savoir que, comme le vit aujourd’hui le Congolais, si les relations avec le Rwanda étaient jusque-là bonnes, elles viennent d’en prendre un coup, qu’elles ne peuvent plus, comme on dit diplomatiquement, être « au beau fixe », que quelque chose a changé depuis ce jour-là. Certains expliquent qu’il a fallu « faire de la diplomatie » ! Kagamé, lui, la diplomatie il ne connaît pas, agresseur ayant impunément versé notre sang, il ne comprend pas la courtoisie diplomatique, sans quoi il n’aurait pas fait ce que consciemment et volontairement, il a fait à Paris, à quelques encablures de notre Président et, donc, l’insultant par l’humiliation, sans s’embarrasser de diplomatie. D’ailleurs la diplomatie, avec tous ses usages feutrés et parfois hypocrites, n’a jamais signifié abaisser les autres ou se laisser abaisser par d’arrogantes provocations ; sans nécessairement menacer des plaies et des bosses, c’est vrai, il faut être diplomate, en fait ça signifie « un poing de fer dans un gant de velours », fermeté « civilisée » mais fermeté, sans jamais céder sur l’honneur national, nombre de guerres dans l’histoire ont été justifiées par la défense de l’honneur, afin que non seulement l’Etat, la RDC, mais aussi les Congolais qui savent qu’ils sont sous la protection de nos autorités, le sentent, savoir et sentir ce n’est pas la même chose, c’est comme dans l’amour chacun sait que l’autre l’aime parce qu’ils se sont mis ensemble mais il doit le sentir ; ainsi les Congolais seront fiers de savoir et sentir que leurs autorités jouissent de la considération des voisins, y trouvant un supplément de force pour agir. Au Rwanda toute tentative de ce qu’ils appellent « négationnisme » entraîne emprisonnement et mort ; que Kagamé pratique du négationnisme au sujet des pires crimes internationaux attestés et vérifiés par la Cour internationale de justice (CIJ) concernant l’Ouganda, co-auteur des mêmes faits que le pays de Kagamé qui en était le principal maître d’œuvre, et reconnus vis-à-vis du Rwanda dans l’ordonnance de la même Cour sur les mesures conservatoires, ça mérite au moins de la fermeté diplomatique et les réactions civiques d’indignation nationale et de dénonciation. Je crois que c’était là l’occasion de convoquer aux Affaires étrangères cet autre arrogant, Karega, qui a  provoqué et irrité plusieurs fois notre peuple, qui laisse pratiquement entendre que d’être né au Congo et d’avoir bénéficié du système d’instruction congolais lui permet de se conduire en seigneur ; ce peut être également l’occasion de rappeler sine die « pour consultation » notre ambassadeur à Kigali… On devrait laisser librement manifester les Congolais indignés ainsi que les associations des victimes du Rwanda organisées dans tout l’Est, etc. Par ailleurs, c’est l’opportunité d’une véritable « union sacrée de toute la nation » dans l’épreuve, pas des coalitions politiciennes pour le partage et la confiscation du pouvoir ; du coup une telle union est hélas impossible. 

7SUR7 : Justement par rapport à l’Est, que pensez-vous de l’état de siège proclamé récemment ?

AM : L’état de siège fait partie de l’arsenal à la disposition des autorités pour faire face à certaines situations sécuritaires et politiques caractérisées. Le Chef de l’Etat n’a donc pas eu tort d’y recourir, même si sur le plan juridique, le juriste sourcilleux que je suis et je ne cesserais d’être contre vents et marées, aurait à dire. Une bonne décision, à laquelle malheureusement le système de gouvernance politique, d’exclusion, ne permet pas  de bénéficier du nécessaire soutien de tous. Nous, nous sommes quelques-uns à avoir une véritable vision, désintéressée, impersonnelle, progressiste et moderne, celle d’une démocratie, souvent dite « consociative » ou « consensuelle » mais que dorénavant nous appellerons simplement « démocratie inclusive », dont nous avons conçu tout le schéma opératoire et dont la mise en œuvre mettrait fin à toutes les pitreries politiciennes qui distraient la nation et n’amusent que les  politiciens. Il reste que la nomination de généraux pour remplacer les autorités civiles provinciales, ainsi que la neutralisation des autres institutions provinciales, suspendant ainsi un bon pan de notre constitution et du régime politico-administratif qu’elle a mis en place, doivent vite être accompagnées de mesures de terrain en termes de lutte contre les groupes armés pour les éradiquer. La seule déclaration de l’état de siège, qui ne fait qu’installer un cadre, ne saurait remplacer cette politique de terrain, même si tout le monde n’est pas capable de voir quelles actions, nécessairement militaires et sécuritaires, ne pouvant pas être menées auparavant pour intensifier la lutte contre ces groupes armés ne peuvent être décidées et menées que grâce à l’état de siège, augmentant la puissance de feu et les capacités stratégiques et tactiques de nos forces armées pour en finir avec les malheurs de notre peuple dans l’Est…

7SUR7 : Un petit saut en politique. Parlons de la proposition de réforme de la nationalité.

AM : Sans doute résultat d’un calcul bassement politicien dans lequel le peuple n’a rien à gagner, juste pour écarter tel ou tel candidat ; c’est dégoûtant et ridicule. Une conception surannée, rétrograde et anti développement. On n’y pense pas du tout, mais personne ne se demande quelle serait la validité constitutionnelle d’une telle option. En effet, la constitution du 18 février 2006, encore en vigueur malgré les multiples coups de canif qu’elle reçoit, précise au deuxième alinéa de son article 10 que « La nationalité congolaise est soit d’origine, soit d’acquisition individuelle », étant entendu que la nationalité d’acquisition est essentiellement celle par naturalisation (outre le mariage, l’adoption…), quant à la loi qui règle la problématique de la naturalisation, si elle parle de « petite » et « grande » naturalisation, elle ne prévoit nulle part la notion de « Congolais de père et de mère » même s’il est présumé que celui dont tous les deux parents sont congolais est bien évidemment congolais, mais on y parle d’enfant de parents congolais ou dont l’un des parents est congolais… On devrait s’habituer à vérifier la constitutionnalité de la loi électorale, en particulier concernant sa conformité à ces dispositions, ne devant pas inventer de nouvelles catégories de Congolais, mais aussi sa conformité à l’article 13 qui dit : « Aucun Congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif, en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique ». J’affirme qu’une telle loi serait contraire à la constitution de la République. Par ailleurs, politiquement elle ouvrirait dangereusement la boîte de Pandore, sans que les apprentis sorciers qui en rêvent ne puissent nous dire ce qu’on pourrait y découvrir, de dangereux ou d’inattendu ou d’imprévu ou de… non souhaité. Il est encore temps d’arrêter la…tentation.

Propos recueillis par Israël Mutala

7sur7.Cd

France-Rwanda: L’opposition rwandaise en exil demande que ses doléances soient prises en compte.

Lettre au président français

S.E. Monsieur Emmanuel MACRON Président de la République

Palais de l’Élysée

55 Rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris

Objet : Demande d’intégration des doléances de l’opposition Rwandaise Elargie dans les Relations de Paris avec le régime de Kigali.

Excellence Monsieur le Président,

Sans vouloir nous ingérer dans la politique étrangère de la France ou donner des leçons, nous, membres du Cadre de Concertation des organisations politiques et de la société civile de l’Opposition, RBB en sigle (Rwanda Bridges Builders),  prenons la liberté de vous faire part de nos  préoccupations quant aux conséquences négatives qu’une complaisance continue avec la dictature de Kigali  génère et continuera d’avoir sur la paix  et la concorde sociale  au sein des rwandais si certaines précautions ne sont pas prises.

Votre discours au cours de Votre campagne électorale sur Votre engagement à « défendre le respect des principes démocratiques fondamentaux partout en Afrique » et « à reconsidérer votre soutien aux gouvernements qui bafouent les droits les plus fondamentaux » avait suscité beaucoup d’espoir au sein de la communauté rwandaise en exil victime du système de répression au Rwanda.

Au début de Votre mandat, beaucoup de citoyens africains, surtout les jeunes générations, y compris rwandaises, avaient cru en l’avènement d’une nouvelle dynamique positive dans les relations France-Afrique. Ils étaient encouragés par Votre discours du mardi 28 novembre 2017 à l’université Ouaga 1 d’Ouagadougou. Dans ce discours historique, à un moment Vous dites ceci ; ‘’ Je me reconnais dans les voix d’Albert Londres et d’André Gide qui ont dénoncé les milliers de morts du Chemin de fer du Congo, et je n’oublie pas que ces voix alors ont été minoritaires en France comme en Europe.’’ ;

En termes de morts, le Rwanda et la Région des Grands lacs en ont connu depuis octobre 1990 et en connaissent encore malheureusement aujourd’hui. Il est de notoriété publique que le régime de Kigali avec lequel votre gouvernement semble vouloir entretenir des relations privilégiées est fortement impliqué dans les conflits qui ont couté la vie à plus de 6 millions de personnes, la plus grande catastrophe humanitaire depuis la deuxième guerre mondiale.

Nous constatons que le grand malheur de la société rwandaise fut, ces dernières années, d’avoir été prise en sandwich par les pôles extrémistes Hutu et Tutsi et que depuis près de 26 ans le pays est dirigé par le pôle extrémiste Tutsi qui est sorti vainqueur de la confrontation dont il porte une grande et lourde part de responsabilité.

Il Vous souviendra qu’une solution durable à la crise rwandaise avait été trouvée via la signature des accords de paix d’Arusha en 1993 que la communauté internationale dont la France avait soutenus et accompagnés. Ces accords d’Arusha ont été pulvérisés avec l’attentat du 6 avril contre l’avion présidentiel qui emportât deux chefs d’État Hutu et des membres d’équipage français. Vous aurez sans doute constaté toutes les manœuvres mises en route par le régime de Kigali afin d’éviter que la vérité sur cet attentat ne soit révélée.

L’on sait à quel point l’impunité et la complaisance entretiennent les cycles de crimes et de violence au Rwanda et dans la région. Dans le cas du régime rwandais, d’aucuns parmi les membres de la communauté rwandaise, toutes ethnies confondues, se demandent pourquoi les autorités françaises refusent toujours de regarder en face le dossier de l’élément déclencheur du génocide, à savoir l’attentat contre l’avion présidentiel au Rwanda le 6 avril 1994. C’est, en effet, un des éléments qui contribuent à renforcer la polarisation des groupes sociaux rwandais, et qui n’aident pas à aller vers le chemin obligé de la véritable réconciliation.

Sur le plan de l’impunité toujours, Vous aurez noté, Excellence Monsieur le Président, qu’il existe actuellement une forte demande des peuples de la région, en particulier des congolais, pour que les recommandations du Mapping Report [1] soient, enfin suivies d’effet.  Vous n’êtes pas sans savoir que les troupes de l’actuel régime de Kigali sont parmi ceux qui sont fortement soupçonnés d’avoir commis de graves crimes relatés dans ce rapport.

La communauté des rwandais s’attendrait plutôt à ce que la France soutienne ceux qui, comme le Parlement européen [2], en rapport avec l’initiative du Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix, demandent qu’il y ait des mécanismes qui permettent que justice soit faite en ce qui concerne les crimes inventoriés par le Mapping Report.

Or, il nous semble que la trajectoire des relations avec Kigali que Votre équipe est entrain de dessiner est incompatible avec une certaine rigueur et fermeté que l’on est en droit d’attendre d’un grand pays démocratique et des Droits de l’Homme comme la France.

Monsieur le Président,

Il est heureux de Vous entendre dire, dans Votre entretien, publié vendredi 20 novembre 2020, par Jeune Afrique qu’il faut regarder notre passé dans son intégralité sans volonté de dissimuler ni s’autoflageller.

Il est, par contre, surprenant de Vous entendre dans le même interview, louer le principal acteur des tragédies rwandaises et régionales qu’est Paul Kagame, en soulignant qu’il a beaucoup pacifié son discours politique à l’égard de la France. Comme si, à Votre avis, c’est le seul critère qui compte pour qu’un dictateur avec de si lourds soupçons de responsabilités soit autorisé à tout recevoir.

Connaissant la peur bleue du régime de Kigali face à ses responsabilités dans les drames rwandais et régionaux, nous osons espérer, Excellence Monsieur le Président, que la justice et la vérité qu’attend la majorité de rwandais et de ressortissants de la sous-région, ne seront pas sacrifiées à l’autel de cette realpolitik.

Excellence Monsieur le Président,

La société rwandaise est plus que jamais divisée et polarisée suite à une politique et une stratégie, voulues et entretenues par le régime du FPR centrées sur les tensions ethniques, la peur, la terreur et le mensonge.

C’est ainsi que jusqu’à ce jour le régime dirigé par Paul Kagame refuse et fait tout pour bloquer toute initiative qui vise à ce que les crimes commis par le FPR soient sanctionnés.

Entre autres indices, actuellement les prisons rwandaises sont essentiellement peuplées par les gens d’un seul groupe ethnique avec toutes les conséquences socio-économiques que cela engendre.

De même, au Rwanda, seuls les Tutsis ont droit de commémorer la disparition des leurs. Les Hutus, quant à eux, même si également fortement endeuillés, doivent rester l’échine courbée. Avec toutes les conséquences en termes de frustrations et d’entretien de haines refoulées.

Un autre indice assez concret et frappant de cette politique de polarisation des groupes sociaux est le type de serment que le FPR fait faire à ses partisans, qui jurent, de respecter les règles actuelles et à venir du mouvement (sous-entendu y compris la poursuite et harcèlement des critiques du régimes) et qui acceptent d’être pendus s’ils contreviennent à ces exigences. Dans un article du 19/11/2020, la BBC signale que ‘’Des images fuitées d’une cérémonie de “serment” controversée au Haut-Commissariat du Rwanda à Londres alimentent les allégations d’une répression mondiale agressive de la dissidence par le gouvernement autoritaire de la nation d’Afrique de l’Est, surnommée la nouvelle “Corée du Nord” par ses détracteurs’’. [3]

Une autre ligne de fracture ‘made in Rwanda’ est le double standard de traitement envers les partisans et les opposants au régime de Kigali. Plusieurs rapports d’organismes importants et crédibles (Département d’Etat Américain[4], Human Rights Watch[5], Amnesty International[6],Freedom house [7],…) relèvent régulièrement les cas d’assassinats, de disparitions ou d’emprisonnements d’opposants politiques et autres critiques rwandais. Le régime rwandais va jusqu’à pourchasser ses opposants et critiques dans les pays de refuge. Le dernier cas emblématique de ces comportements du régime de Kigali qui violent les règles internationales est le cas du kidnapping, depuis Dubai aux Emirats Arabes Unis de l’opposant Paul Rusesabagina. A ce sujet, il est utile de rappeler la résolution[8] du parlement européen qu’il convient de soutenir pour rendre son application effective.

Cette vague d’assassinats n’épargne pas les rescapés du génocide contre les Tutsis. Ainsi il y a un an, le 17 février 2020, le célèbre chanteur et homme de paix et de réconciliation, Kizito Mihigo  a été tué dans un cachot de la police à Kigali. Des organisations de droits de l’homme réclament à cor et à cri, en vain, une enquête indépendante à ce sujet.

Excellence Monsieur le Président,

Après 27 ans d’impunité et du “tout permis” au régime du FPR de Paul Kagame, des voix commencent à monter et à s’indigner de ces violations systématiques des droits de l’Homme en toute impunité. Ceci est d’autant plus remarquable que ces voix proviennent aussi des protecteurs et alliés traditionnels jugés inconditionnels au régime de Paul Kagame,USA[9] et Grande Bretagne [10] qui ont exprimé leurs claires positions lors du dernier Examen Périodique Universel du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (ONU) à Geneve.

Monsieur le Président,

Nous souhaitons que la France, berceau des Droits l’Homme,  se  range  du côté des opprimés. En l’occurrence, il est temps que la France cesse d’écouter les trompettes de ceux qui défendent, souvent à coup de milliers d’euros dépensés dans des actions coûteuses de relations publiques, le régime criminel et dictatorial de Paul Kagame.

Nous sommes d’avis que la France n’a pas à rougir de son attitude vis-à-vis de son action passée au Rwanda. Ce fut, en effet, le seul pays qui osa braver toutes les difficultés, y compris celles dressées par le FPR de Paul Kagame à toute intervention internationale pour stopper les massacres. Par honte ou par mépris de l’opinion, personne n’ose, actuellement, évoquer l’ultimatum de Paul Kagame de considérer toute troupe étrangère au Rwanda en avril 1994 comme « ennemi », ou tout simplement la demande officielle que le FPR a adressée à l’ONU à New York [11] lui demandant de ne pas intervenir en prétendant qu’il n’y avait plus aucun Tutsi à sauver.

Excellence Monsieur le Président,

Nous ne sommes pas contre une normalisation des relations rwando-françaises. Que du contraire.

Mais il convient d’attirer Votre aimable attention sur le fait  que Vous avez à faire à un régime qui ne respecte aucunement les règles classiques de coopération humaine. D’aucuns ont toujours à l’esprit qu’au paravent la France a essayé toutes sortes de soins palliatifs contre cette maladie chronique bien ancrée dans les relations France-Rwanda. Pour rappel, Monsieur Nicolas Sarkozy a rendu visite au Rwanda en 2010. Kagame a été bienvenu en France. Qu’est-ce que la France a reçu en retour ? Kagame et le FPR ont banni le français des écoles, fermé le Centre Culturel Français de Kigali, …

Entre-temps Vous êtes arrivés, Vous avez accordé à son bras droit, Madame Louise Mushikwabo, la direction de l’OIF. Il nous revient qu’elle a, aujourd’hui, entrepris de diriger cette importante organisation francophone à la manière cavalière de son patron de Kigali.

Notre groupement d’organisations comprend des personnes de toutes ethnies et toutes générations. Nous avons opté pour le rejet des idéologies des deux pôles extrémistes ci-haut mentionnés et d’œuvrer pour l’avènement d’un Rwanda réconcilié avec lui-même. Nous avons décidé de jeter les ponts entre les différentes fractures causées par l’Histoire et aggravées et entretenues par l’actuel régime de Kigali. Toutes ces fractures si elles sont laissées comme telles, elles vont continuer de miner la société rwandaise pour encore très longtemps. La nécessaire cohésion et paix sociale rwandaise se feront toujours attendre. Il serait dommage de constater, dans les temps à venir, que la France sous Votre direction soit accusée de s’être rangée contre le peuple rwandais et pour une dictature implacable.

Nous avons choisi de lutter pour l’instauration d’un système où la paix ne repose pas sur les fusils et les baïonnettes, mais sur la concorde et la bonne volonté des groupes sociaux.

Monsieur le Président, la devise de la République Française (Liberté-Egalité- Fraternité) fait peur à la dictature de Paul Kagame.

En effet en termes de ;

  • Liberté : au Rwanda, mêmes les libertés les plus élémentaires sont interdites ou réprimées
  • Égalité : Le Rwanda de Paul Kagame constitue une société parmi les plus inégalitaire d’Afrique et du Monde : L’avoir et le pouvoir sont concentrés dans les mains d’une clique autour de Paul Kagame (moins de 1% de la population). Les pauvres sont interdits dans la capitale Kigali et ceux qui y sont natifs sont chassés, déportés, souvent sans compensation. Les postes importants dans tous les secteurs clés du pays sont détenus par une faible minorité.
  • Fraternité : Le régime entretient de nombreuses lignes de fracture entre différentes tranches de Rwandais. Nous en avons souligné quelques-unes plus haut.

En Conclusion, Excellence Monsieur le Président, nous ne comprendrions pas que la France, pays de la Liberté, de l’Égalité, de la Fraternité et des Droits de l’Homme puisse continuer à courtiser une telle dictature sans exiger des avancées notables sur ces aspects, au risque de se compromettre et quelques fois en œuvrant dans le sens contraire aux valeurs républicaines.

Notre groupe est prêt à Vous présenter, en détails, notre vision sur la résolution, de manière durable, de la problématique de démocratisation et du respect des droits humains au Rwanda et dans la région, dans une rencontre à Votre convenance ou celle de Vos collaborateurs.

Vous remerciant de votre compréhension, nous vous prions d’agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre plus haute considération.

Fait à Paris le 05 mars 2021

Signé

Membres signataires

  1. Action citoyenne pour la PaixSuisse ;
  2. Amahoro-People’s Congress, Canada;
  3. Association des rescapés du génocide des réfugiés rwandais au Congo (Ex-ZaïreRDC) ARGR-Intabaza, Nederland ;
  4. Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIIR), Belgique ;
  5. Comité pour l’Unité, la Paix et la Réconciliation au Rwanda (CUPR), France ;
  6. Congrès rwandais du Canada (CRC), Canada ;
  7. Convention Nationale Républicaine (CNR-Intwari), Suisse ;
  8. Comité de Suivi de la Problématique des Réfugiés Rwandais (CSPR), Suisse ;
  9. COVIGLA, Collectif des victimes des crimes de masse commis dans la region des grands lacs africains, France ;
  10. Democratic Rwanda Party, DRP-ABASANGIZI, USA;
  11. Forces Démocratiques Unifiées-Inkingi, UK ;
  12. Fondation Ibukabose-Rengerabose, Mémoire et Justice pour tous, France ;
  13. Global Campaign for Rwandans’ Human Rights (UK)
  14. Global Voice of Rwandan Refugees (GVRR), South Africa ;
  15. Groupe d’initiative France-Rwanda, France ;
  16. Inganzo Gakondo, Russie ;
  17. Initiative du Peuple pour l’Alliance Démocratique (IPAD-Umuhuza), USA ;
  18. Initiative Humanitaire pour la région des grands lacs (IHRGL), Belgique ;
  19. Initiative HUMURA, Belgique ;
  20. Institut Seth Sendashonga pour la Citoyenneté Démocratique ISCID asbl, Belgique ;
  21. JAMBO asbl, Belgique ;
  22. Liberté d’Expression Culture et Paix, LECP Info, USA ;
  23. Mouvement Républicain pour la Paix et le Progrès, MRP, Belgique ;
  24. Norway Sub Sahara Africa development organization (NSADO), Norway;
  25. Observatoire des Droits de l’Homme au Rwanda (ODHR), France ;
  26. Organization for Peace, Justice and Development in Rwanda and Great Lakes Region (OPJDR), USA;
  27. PDR IHUMURE, Belgique
  28. PS Imberakuri, Belgique;
  29. Réseau International pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme au Rwanda (RIPRODHOR), France ;
  30. Rwanda National Congress – RNC, South Africa ;
  31. Rwanda National Forum (RNF), USA ;
  32. Rwandan Alliance for the National Pact (RANP-Abaryankuna), Africa.
  33. Rwandan American Youth Association, USA;
  34. Rwandan Platform for Dialogue, Truth, and Justice (RDTJ), South Africa ;
  35. Rwandiske Forum in Norway (RFN), FORUM RWANDAIS DE NORVEGE (RFN);
  36. Rwandese Revolutionary Movement (RRM) Afrique du Sud
  37. United Freedom Fighters (UFF-INDANGAMIRWA), France;

RBB Contact address: rwandabridgebuilders@gmail.com


[1] DRC_MAPPING_REPORT_FINAL_FR.pdf (ohchr.org)

[2] Texts adopted – The case of Dr Denis Mukwege in the Democratic Republic of the Congo – Thursday, 17 September 2020 (europa.eu)

[3] Le serment de loyauté qui terrorise les Rwandais de la diaspora – BBC News Afrique

[4] RWANDA 2019 HUMAN RIGHTS REPORT (state.gov)

[5] Rwanda : Le meurtre d’un opposant est la dernière attaque en date contre des détracteurs du gouvernement | Human Rights Watch (hrw.org)

[6] Rwanda, assassinat du représentant politique de l’opposition – Amnesty International Belgique

[7] Rwanda Case Study | Understanding Transnational Repression (freedomhouse.org)

[8] MOTION FOR A RESOLUTION on Rwanda, the case of Paul Rusesabagina (europa.eu)

[9] UN: Countries Call Out Rwanda’s Rights Record | Human Rights Watch (hrw.org)

[10] Page not found – GOV.UK (www.gov.uk)

[11] COURRIER-DU-30-AVRIL-1994-DU-FPR-INKOTANYI-SIGNE-CLAUDE-DUSAIDI-ET-GERARD-GAHIMA.pdf (sciencespolitiquesrwandaises.fr)Burundi : Une démocratie et un modèle d’alternance politique qui dérangent.Débat : TENSIONS ENTRE LE RWANDA ET LA RDC APRÈS LE SOMMET DE PARIS SUR LES ÉCONOMIES AFRICAINES.

RDC : A son tour, l’ONU contredit Kagame: “le rapport Mapping documente des violations graves des droits de l’homme de 1993 à 2003”

Les réactions ne cessent de tomber après la déclaration du président rwandais Paul Kagame sur deux médias français .

A son tour , la MONUSCO réaffirme que « le rapport Mapping parle de lui-même et documente de manière très claire des violations graves des droits de l’homme de 1993 à 2003.»

Réagissant aux propos tenus à Paris par le président rwandais, Paul Kagame, le porte-parole de la MONUSCO, Mathias Gillmann, a affirmé mercredi 19 mai que ces violations graves avaient continué et continuent même à se commettre en RDC.

« Le rapport Mapping documente de manière très claire des violations graves des droits de l’homme, du droit humanitaire international sur la période qu’il couvrait, c’est-à-dire, de 1993 à 2003. Donc, pour nous, ce rapport parle de lui-même. Nous avons travaillé ici avec les autorités congolaises pour documenter toutes ces violations », a déclaré le porte-parole de la mission onusienne.

Selon Matthias Gillmann, c’est le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme qui documente et qui partage toutes ces informations avec les autorités congolaises. Et tout comme le rapport Mapping a également été remis au gouvernement congolais de l’époque.

Dans une interview accordée la veille à RFI et France 24, Paul Kagame a affirmé qu’«il n’y a pas eu de crimes. Absolument pas. C’est la théorie du double génocide qui est à l’œuvre. »

Le rapport Mapping, publié par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme en 2010, recense par ordre chronologique et par province 617 « incidents », des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et de possibles crimes de génocide commis entre 1993 et 2003. Cette période couvre les deux guerres de la RDC, qui avaient impliqué jusqu’à neuf armées étrangères, dont les troupes rwandaises.

Abed Masiri

Qui, aujourd’hui, en France, pour dire à haute voix: « notre pays n’est pas un paillasson ».

Le grand contraste qui cerne la visite de Paul Kagame à Paris: A bras ouverts, Emmanuel Macron accueille de nouveau Paul Kagame, un des hommes les plus controversés  de la planète, ce lundi 17/05/2021. Le Président français n’a qu’un seul objectif: redorer l’image de son pays et réchauffer les relations entre la France et le Rwanda. En effet,  les autorités rwandaises ont pendant longtemps lancé des critiques grotesques contre la France, jusqu’à l’accuser d’avoir participé au génocide! Aujourd’hui, le ton a changé, mais, la France n’a pas encore d’Ambassadeur au Rwanda depuis plus de 5 ans. Il n’y a qu’un Chargé d’affaires de la République française au Rwanda.

Emmanuel Macron, le reçoit donc dans l’intérêt de la France en tant que Chef d’Etat; mais il n’ignore pas le genre de personnalité à qui il tend la main. C’est le même dictateur qui a appris le pouvoir après le génocide et la guerre de 4 ans, chef de la rébellion à l’époque. Macron est entouré par de grandes personnalités qui connaissent bien les arcanes du pouvoir actuel au Rwanda. On peut citer Jean Yves Le Drian, Ministre ayant dans ses attributions les affaires étrangères, ou encore le Chef d’Etat Major de l’armée, le Général François Lecointre qui était présent au Rwanda durant l’opération turquoise en 1994.

Le totalitarisme est le qualificatif du pouvoir de Paul Kagame. Selon différents rapport des ONG de droits de l’homme, les Rwandais souffrent à cause de son régime plus que jamais répressif. La Région des grands lacs africains le connaissent pour les conflits et guerres au-delà des frontières, plus particulièrement en RDC. Il est en froid avec les Chefs d’Etats voisins, l’Ouganda et le Burundi en particulier. Longtemps soutenu par les USA et la Grande Bretagne, Paul Kagame n’est plus le bon élève des Américains ni des Britanniques. La France lui souhaite la bienvenue.

 Le revers de la médaille: 

Comment être fier, quand on déroule le tapis rouge à l‘un des hommes les plus violents de ce monde? En 2007, une femme courageuse et membre du gouvernement français, n’avait pas supporté la visite de Kadhafi à Paris. Rama Yade avait déclaré:  » «Notre pays n’est pas un paillasson». Bernard Kouchner avait estimé qu’elle «avait raison de parler ainsi». Mais Kouchner est-il capable de dire pour le cas de Kagame? Kouchner est-il capable de dire que Kadhafi est pire que Kagame? Aujourd’hui, Sarkozy est-il si fier d’avoir reçu en grandes pompes Kadhafi? Macron le sera-t-il dans 5 ans, 10 ans? L’Histoire le dira. 

Les Rwandais qui vivent en Europe ont obtenu une autorisation pour manifester à Paris ce 18/05/2021 contre Paul Kagame à la tête d’un régime très critiqué en matière de violation de droits de l’homme. HRW, Amnesty International, Crisis Group, ne cessent de tirer la sonnette. Personne ne pourrait prétendre ne pas savoir. Macron non plus.

Source: Rédaction LECP Info.

Le jour où Paul Kagame ordonna le massacre gratuit de 8000 civils Hutus rwandais

Le 22 avril 1995 : Le jour où Paul Kagame ordonna le massacre gratuit de 8000 civils Hutus rwandais

Au Rwanda, le génocide ne s’est pas arrêté en juillet 1994. L’extermination des Hutus s’est poursuivie les mois et les années qui ont suivi. Le 22 avril 1995, l’Armée patriotique rwandaise (APR) a massacré des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants se trouvant dans le camp des réfugiés de Kibeho. Le carnage s’est déroulé sous le regard ahuri d’une demi-douzaine d’agences de l’ONU et des casques bleus de la MINUAR ayant reçu l’ordre de ne pas intervenir. Selon plusieurs sources, plus de 8000 civils Hutus ont été tués durant cette opération de nettoyage. Les rescapés au nombre de 60 000, selon l’Integrated Operation Center (IOC), la centrale humanitaire de l’ONU, ont plus tard été interceptés sur leur chemin de retour puis achevés par les hommes du lieutenant-colonel Fred Ibingira, officier de l’APR.

Fred IBINGIRA qui a massacré les Hutus à Kibeho est aujourd’hui promu au grade de Général dans l’armée du FPR. Il est aussi l’auteur du génocide de Gakurazo où trois évêques catholiques ont péri avec une centaine de membres du clergé.

Thierry Pickard, un militaire australien de la MINUAR ayant assisté au massacre, a détaillé dans un livre ce qu’il a vu ce jour-là. Son témoignage est effrayant : « Les militaires de l’APR tuaient les rescapés des bombardements avec des baïonnettes pour épargner leurs balles. Dans ce massacre, personne n’était épargné. Même des bébés sur le dos de leurs mères étaient tués. D’autres avaient la gorge coupée. C’est la première fois où je voyais, dans ma vie de militaire, des hommes devenir des cibles de tir à l’arme lourde comme dans les exercices militaires ».

Troublé par le comportement de l’APR, Thierry Pickard se tourna vers un soldat zambien de la MINUAR et lui demanda ce qu’il pensait, en tant qu’Africain, de cette barbarie. Le Zambien lui rétorqua : « Les soldats du FPR ne sont pas des hommes, mais des animaux qui savent se servir des armes à feu ».

Certains observateurs estiment que si les casques bleus de la MINUAR n’étaient pas présents, l’APR aurait certainement fait un plus grand nombre de victimes. Un commandant australien devait déclarer à ses hommes : « Il n’y a absolument aucun doute que si nous n’avions pas été à Kibeho, tout le camp, soit environ 100 000 personnes, aurait probablement été massacré et le monde n’en aurait rien su ».

Inutile de vous dire que l’ONU a couvert ce crime contre l’humanité.

Dans cette rocambolesque histoire qui a mis en évidence toute l’animosité que voue le FPR à l’égard des Hutus, le meilleur avocat du gouvernement rwandais a été l’ambassadeur du Canada au Kenya, Bernard Dussault, dont la juridiction couvrait toute l’Afrique centrale. C’est lui qui a eu la « merveilleuse » idée de proposer une commission d’enquête internationale entièrement dirigée par le pouvoir rwandais pour faire non pas la lumière, mais l’obscurité sur les évènements de Kibeho. Un rapport bidon a été produit et l’affaire a été enterrée. Après tout, que vaut la vie d’un Hutu ?

Patrick MBEKO

Archives Facebook.

Le génocide des Hutus commenté par la télévision française au lendemain du carnage.

A quand le dévoilement de la vérité sur le génocide rwandais?

A quand le dévoilement de la vérité sur le génocide rwandais.

Opinion de Johan Swinnen, ancien ambassadeur de Belgique au Rwanda.

Trop souvent nous sommes confrontés à des présentations aussi partiales que peu subtiles de la tragédie rwandaise. C’est comme si nous étions alors acculés à ranger toutes les victimes dans un camp ethnique et tous les coupables dans l’autre.

Une carte blanche de Johan A. Swinnen, Ancien ambassadeur à Kigali (1990-1994). Auteur de ” Rwanda, mijn verhaal ” (Polis-Pelckmans, 2016).

Alors que nous pleurons jusqu’à aujourd’hui le lourd tribut humain du génocide rwandais, nous ne pouvons éviter de nous poser des questions sur les circonstances dans lesquelles la calamité a eu lieu. Les décisions des uns et des autres s’apparentaient alors souvent à un théâtre d’ombres et de lumières.

“Dans quelle pièce avons-nous donc joué ?” C’est la question, sans réponse définitive, que je développe au terme de mon livre de souvenirs d’ambassadeur de Belgique à Kigali, de 1990 à 1994.

Vingt-sept ans après le génocide au cours duquel un million de Tutsis et d’autres citoyens rwandais ont été brutalement assassinés, la tragédie n’a toujours pas livré tous ses secrets.

Certains événements et situations qui défigurent aujourd’hui le décor politique rwandais pourraient-ils être susceptibles d’éclairer quelques pans parmi les plus sombres du passé ?

La recherche de la vérité progresse malgré tout.

Trop souvent cependant, nous sommes confrontés à des présentations aussi partiales que peu subtiles de la tragédie rwandaise. C’est comme si nous étions alors acculés à ranger toutes les victimes dans un camp ethnique et tous les coupables dans l’autre. Les mensonges et l’agit-prop, qui ne le cèdent parfois en rien aux pratiques staliniennes, sont élevés au rang d’expressions crédibles du traumatisme et de l’indignation par des observateurs naïfs, pédants ou suffisants.

Les questions dépourvues de préjugés sur la cause profonde et les véritables circonstances du malheur rwandais sont hélas plus souvent qu’à leur tour écartées par un barrage d’artillerie rhétorique. Les salves d’accusation trop faciles portent les noms de négationnisme ou de divisionnisme. Les interrogations légitimes, les observations impartiales et les préoccupations critiques doivent céder le pas à “l’histoire officielle et fabriquée”, qui bénéficie de l’imprimatur de Paul Kagame, président du Rwanda. Comme si Kigali voulait se réserver en permanence le pouvoir d’exploiter habilement le complexe de culpabilité d’une partie de sa propre population et de la communauté internationale.

Des questions essentielles

Ces obstacles ne doivent pas nous décourager de continuer à chercher la vérité et à questionner sans œillères l’histoire officielle. Comment est-il possible que tant de Rwandais soient tombés dans le piège de la radicalisation meurtrière ? Qui y avait intérêt? Des plans machiavéliques ont-ils été mis en oeuvre ? Habyarimana était-il responsable ou otage d’un entourage hutu extrémiste ? Qui a commandité les meurtres politiques dans les mois précédant le génocide ? Les plans de déstabilisation forgés avant l’attentat contre l’avion présidentiel du 6 avril visaient-ils déjà l’extermination des Tutsis ? Qui a abattu cet appareil ? Kagame n’aurait-il pas pu mettre fin au génocide plus tôt ? Les Belges et les Français n’auraient-ils pas pu, ensemble, peser davantage sur le processus de paix? Les Américains, les Britanniques, l’Ougandais Museveni, peuvent-ils être mis hors de cause? Quid de l’attitude du Conseil de sécurité et du secrétariat de l’ONU ? Sait-on tout du rôle des Belges ? Est-il vrai que notre politique de tutelle avait déjà semé les graines de la tension ethnique ?

Il existe certes ici et là quelques tentatives louables qui tâchent d’interroger avec franchise le passé récent, et on peut espérer qu’elles se multiplient.

Un rapport coupable de légèreté

Mais je doute fort que le rapport de la commission d’historiens français (le rapport Duclert) nous rapproche beaucoup de la vérité. Je ne peux que souscrire à de nombreuses conclusions de l’étude commandée par le président Macron sur le rôle de la France avant et pendant le génocide. Mon livre sur le Rwanda fourmille en effet d’exemples de décisions et d’initiatives françaises, qui ont souvent mis les Belges et les autres acteurs diplomatiques devant le fait accompli. L’arrogance avec laquelle les troupes militaires françaises se sont souvent comportées ou l’indulgence que la France réservait à de graves violations des droits de l’homme restent choquantes. Mais sur des points essentiels, le rapport se montre coupable de légèreté et d’omissions inexcusables. Contrairement à ce qu’affirme la commission, la France a bel et bien soutenu les accords d’Arusha, qui avaient prévu un ample partage du pouvoir (au point de faire craindre à de nombreux Hutus un retour à la domination ancestrale des Tutsis). Les responsabilités du Front patriotique rwandais (FPR) sont tantôt passées sous silence et tantôt sous-estimées. Le malheur causé par les attaques récurrentes du FPR de 1990 à 1994 contre les centaines de milliers d’agriculteurs en fuite est largement édulcoré.

Mais comme si cela ne suffisait pas les déclarations médiatiques intempestives du président de la commission, le professeur Duclert, tournent en dérision le sérieux scientifique qu’il est censé incarner. Des soi-disant axiomes consacrant l’absence d’antagonisme ethnique dans la société rwandaise traditionnelle, des définitions non étayées telles que la “dictature raciste d’Habyarimana”, et enfin le quitus impeccable accordé au FPR, sont tous considérés comme des acquis indiscutables. Le président de la République aurait tort de se vanter de ce rapport et de s’en inspirer pour la conduite de sa diplomatie rwandaise. De même, je crains que le nombre étonnamment élevé de journalistes, d’universitaires et d’hommes politiques français qui rejoignent aveuglément le chœur de la propagande à Kigali, ne se rendent pas compte qu’ils mettent leur propre crédibilité en jeu.

L’indignation sélective a fait son temps

Ce constat peut sembler dur. Mais n’est-il pas grand temps de nous libérer d’une complaisance paralysante ? Tout comme nous nous montrions sévères à l’égard Habyarimana à l’époque, n’est-il pas temps à présent de demander à Kagame qu’il rende des comptes ? Les réalisations indéniables et louables du “Singapour de l’Afrique centrale” ne peuvent plus être invoquées à tout bout de champ. Surtout s’il s’agit de justifier le silence, l’étourderie ou l’indifférence face aux statistiques aseptisées, aux violations des droits humains et aux actions de déstabilisation dans la région des Grands Lacs, qui s’opèrent sous la responsabilité de l’homme fort de Kigali.

L’année dernière, j’avais écrit un article d’opinion indigné sur le silence de nos médias et de nos politiciens concernant la mort suspecte du chanteur de gospel Kizito, un Tutsi qui avait osé demander que la compassion pour la douleur s’étende également aux Hutus. Plus récemment, une mère tutsi de quatre enfants a très courageusement exprimé publiquement son “ras-le-bol” à propos d’un certain nombre d’abus commis au Rwanda aujourd’hui. Elle a été immédiatement menottée et emprisonnée. Depuis des années, des citoyens sont intimidés ou privés de leur liberté. Certains sont portés disparus, d’autres encore ont été assassinés, que ce soit au Rwanda ou à l’étranger.

Paul Rusesabagina fait actuellement l’objet d’un procès à Kigali. Sachant que la diplomatie du mégaphone n’est pas toujours la seule méthode efficace en la matière, j’ose croire que notre gouvernement gère avec sagesse la défense des droits et intérêts de ce compatriote et que notre Parlement s’engage également dans le débat.

Mais nous ne gagnerons ni compréhension ni respect en agissant de manière trop prudente. L’indignation sélective a fait son temps.

Je me demande d’ailleurs pourquoi le président du Conseil européen, Charles Michel, ne s’est pas exprimé en public à ce sujet après sa rencontre à Kigali avec le chef d’État rwandais, quelques jours après qu’une résolution largement soutenue du Parlement européen ait demandé un procès juste et équitable pour Paul Rusesabagina. Espérons qu’il l’ait fait pendant l’audience.

Je persiste à croire que la discrétion dont s’entoure la diplomatie a ses méthodes et ses raisons. Or, fermer les yeux n’est désormais plus possible. Les agendas et leurs acteurs doivent être démasqués. Tout le monde n’en est pas convaincu, mais beaucoup le sont. Il n’y a pas si longtemps, j’écrivais : “Après tout, ne nous sommes-nous pas trompés au sujet de Paul Kagame et de son Front patriotique rwandais (FPR) ? L’emballage habile et attrayant de nobles revendications (retour des réfugiés, démocratie, partage du pouvoir, droits de l’homme) qui se virent bien accueillies en 1990 par la communauté internationale, dont la Belgique, et par l’opposition interne, a servi à cacher ses véritables intentions : attirer tout le pouvoir à lui et le sécuriser d’une main de fer, donner libre cours aux ambitions interventionnistes au Congo…”

Dix-sept ans plus tard, nous devons continuer à insister sur la gravité du génocide et sur les souffrances indicibles de centaines de milliers de malheureuses victimes. Nous devons continuer à lutter contre la banalisation et la simplification extrêmes, afin que chaque Rwandais, sans distinction aucune, ait le droit de faire le deuil de ses prochains.

Une attitude de compassion authentique guidera également la recherche de la vérité, non seulement pour déterminer dans quelle pièce nous avons été amenés à jouer à l’époque, mais aussi pour nous libérer aujourd’hui des ambiguïtés, des présentations unilatérales et des simplismes polarisants.

Source: lalibre.be

RELATIONS FRANCE-RWANDA. LE RAPPORT DUCLERT, UNE OPÉRATION POLITICO-MÉDIATIQUE RONDEMENT MENÉE

Rappel du contexte

Le 26 mars 2021, un rapport de près de 1 200 pages a été remis officiellement à Emmanuel Macron. Il y a deux ans, le président français avait chargé une quinzaine d’historiens, réunis au sein de cette commission présidée par l’historien Vincent Duclert, d’examiner « les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide rwandais», entre 1990 à et 1994. L’objectif affiché était d’établir le rôle de la France dans le génocide rwandais.

En attendant d’éplucher le volumineux rapport de 1200 pages, ceci est une réaction à chaud suite à sa présentation qui défraie la chronique depuis le 26 mars 2021.

Coup médiatique

Nous osons qualifier la sortie de ce rapport de “coup médiatique” suite à la façon dont il a été présenté et des réactions à chaud des principaux concernés que sont le Gouvernement français et le régime de Kigali.

D’emblée il a été souligné que le rapport commandité par le président de la France Emmanuel Macron lui a été remis au même moment qu’au régime de Kigali. La dépêche de RFI du 26 mars 202 indique en effet que : “En signe de bonne volonté, le rapport a d’ailleurs été remis aux autorités rwandaises au moment où il était présenté officiellement à Emmanuel Macron.”

On pourrait donc se demander à qui il était destiné en premier. Ensuite, les services du président français Emmanuel Macron ont aussitôt déclaré, toujours d’après RFI :« Nous espérons cette fois que la démarche de rapprochement avec le Rwanda pourra être engagée de manière irréversible », explique-t-on avec en ligne mire, la nomination d’un ambassadeur à Kigali prochainement.”

Dans la foulée, le régime rwandais a réagi, toujours selon RFI : “De son côté, le ministère des Affaires étrangères du Rwanda a salué dans la foulée « un pas important vers une compréhension commune du rôle de la France dans le génocide des Tutsis »’’.

On le voit donc, cette coordination médiatique n’est pas le fait du hasard mais le résultat d’une campagne médiatique savamment menée et coordonnée.

Le côté politicien de ce rapport transparait dans une interview de plusieurs minutes que Vincent Duclert qui présidait cette commission des historiens a accordé à RFI juste après la remise de son rapport au président Macron.

Celui qui, au départ, disait rester dans son rôle d’historien s’est répandu dans des considérations politiques et même s’est permis de donner ses avis et considérations sur des affaires judiciaires encore en cours. L’historien Vincent Duclert a en effet affirmé que le régime du Président Juvénal Habyarimana était “raciste et corrompu” mais sans indiquer si c’est dans les archives françaises qui lui étaient ouvertes dans le cadre de la commission qu’il a trouvé ces affirmations ou si c’était son point de vue personnel. Plus grave, il a prétendu que l’avion qui transportait le Président du Rwanda et son homologue du Burundi et leurs suites et qui fut abattu le 06 avril 1994, acte considéré comme “élément déclencheur du génocide” avait été abattu par des “extrémistes hutu” qui trouvaient Habyarimana trop mou. Ceci au moment où ces mêmes “extrémistes hutu” n’ont jamais cessé de demander, même quand ils étaient jugés par un tribunal de l’ONU le TPIR sis à Arusha en Tanzanie, que cet attentat fasse l’objet d’une enquête et que ces auteurs soient jugés, mais en vain. Le TPIR leur répondait en effet que la date du 06 avril 1994 n’entrait pas dans la période pour laquelle il avait le mandat, période qui va du 01 janvier au 31 décembre1994 comme le précisait la Résolution 955 du 8 novembre 1994 créant le TPIR.

Bien plus, les familles des trois citoyens français membres de l’équipage de cet avion et qui ont trouvé la mort dans cet attentat demandent, depuis 27 ans, à la Justice française de leur donner justice, mais le Ministère Public de France fait du forcing pour qu’un non-lieu soit définitivement prononcé pour cette affaire de l’attentat du 06 avril 1994. Quand Vincent Duclert affirme que ce seraient les “ extrémistes hutu“ qui auraient commis cet attentat terroriste, maintenant qu’ils sont démunis, sans défense et apatrides, on ne comprend pas comment la France rechignerait à les juger pour ce crime surtout que des citoyens français aussi en furent des victimes.

L’historien évoque aussi le cas du Capitaine Barril mais on ne voit pas en quoi les actes de cet officier qui n’était plus sous les drapeaux pourraient engager la responsabilité de la France comme il le prétend.

Délicate opération politique franco-française

La lecture de la formulation des conclusions auxquelles est arrivée cette commission Duclert permet de saisir la portée politique de cette entreprise.

La France ne serait pas complice du génocide commis au Rwanda. Mais “La France porte des «responsabilités lourdes et accablantes » dans les évènements qui ont abouti au génocide des Tutsis en 1994, selon les conclusions du rapport.”

Mais cette responsabilité est à mettre sur le dos du seul ancien Président François Mitterrand. C’est astucieux. Sachant que le Parti socialiste de François Mitterrand a éclaté. Ce faisant, Macron récupère les socialistes anti-mitterrandiens genre Bernard Kouchner ou Raphael Glucksmann, … mais sans s’aliéner l’aile socialiste qui comptera tout de même dans la balance électorale dans les perspectives de 2022.

Du même coup, en faisant tout endosser au disparu Président Mitterrand qui, en 1994, était en cohabitation avec la droite, Macron évite de heurter les anciens membres du Gouvernement Balladur qui se trouvent être actuellement ses alliés objectifs (Sarkozy, De Villepin,…) dont il aura besoin en 2022. Il ménage aussi ceux de la droite non complexée qui n’admettraient pas que l’honneur de la France soit sacrifié sur l’autel de la réconciliation avec le régime tutsi du Rwanda, comme Alain Juppé.

Enfin. il se garde de heurter la hiérarchie de la “Grande muette”, l’Armée française  qui est  convaincue d’avoir accompli ses missions dans l’honneur et l’abnégation au Rwanda malgré les calculs des politiciens.

Risques

En cédant aux pressions du régime de Paul Kagame mais sans trop céder, le président français Emmanuel Macron risque de se retrouver dans une position plus inconfortable que celle dont il a hérité en 2017. Fort de son coup, le régime du FPR va faire monter les enchères en exigeant que des personnalités politiques et militaires nommément citées soient traduites en justice pour : “complicité de génocide”. Et pour avoir reconnu la responsabilité de François Mitterrand, le régime du FPR de Paul Kagame va demander à la France des réparations que même les plus puissants ordinateurs du monde ne sauraient chiffrer.

Que retenir de cette histoire pour l’Histoire?

Nous, nous retiendrons seulement que quand une puissance moyenne s’engage dans une guerre aux côtés d’un allié, quand cet allié perd la guerre, les conséquences et surtout l’humiliation de la défaite se répercutent aussi jusque chez cette puissance. La France s’était engagée à soutenir le régime républicain et démocratique agressé par les descendants des féodo-monarchistes membres de l’Armée régulière de l’Ouganda. En acceptant et même en hâtant la défaite de son allié d’alors, elle doit boire la tasse jusqu’à la lie tant que le régime féodo-monarchique restauré au Rwanda en 1994 règnera dans ce pays. Quant à Vincent Duclert et consorts, ils ne sont que des pièces de ce puzzle politico-médiatique.

Emmanuel Neretse

Source: Musabyimana.net