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UN Working Group on Arbitrary Detention Calls for Paul Rusesabagina’s Immediate Release

Opinion finds numerous human rights violations by the government of Rwanda

Paul Rusesabagina, international humanitarian

Paul Rusesabagina, international humanitarian
WASHINGTON – March 29, 2022 – PRLog —

The United Nations Working Group on Arbitrary Detention (UNWGAD), an arm of the UN’s Human Rights Council, has released an advance version of its opinion on Rwanda’s kidnapping and detention of Hotel Rwanda humanitarian Paul Rusesabagina. UNWGAD found that the deprivation of liberty of Paul Rusesabagina amounts to arbitrary and enforced detention, which is illegal under the Universal Declaration of Human Rights (“Universal Declaration”) and the International Covenant on Civil and Political Rights (“Covenant”). The Working Group requests that the government of Rwanda take all necessary steps to remedy the situation. (Link to opinion at end of press release)

According to the opinion, given the circumstances of the case the appropriate remedy under international law is for Rwanda to immediately “take urgent action to ensure the immediate unconditional release of Mr. Rusesabagina.” In addition, UNWGAD members found that Rwanda should “accord him an enforceable right to compensation and other reparations.

The key findings of the UNWGAD include:

  • The kidnapping of Mr. Rusesabagina, which began in the United States and culminated in him boarding a flight from Dubai to Kigali, was set up by the Rwandan government to take him against his will to Rwanda. This constitutes an abduction and his subsequent detention is therefore arbitrary and illegal.
  • The circumstances of Mr. Rusesabagina’s abduction and subsequent treatment on arrival in Kigali, including incommunicado detention, being detained in secret, and no acknowledgement of his arrest, amount to a deprivation of liberty analogous to an enforced disappearance, and mean that Paul’s arrest has no legal basis and is therefore arbitrary.
  • Mr. Rusesabagina’s treatment by the Rwandan government resulted from his free expression of his political views and criticisms of that government. Thus his treatment constitutes an illegal violation of his right to freedom of expression.
  • Violations of Mr. Rusesabagina’s physical and mental health during his illegal detention should be referred to the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment for appropriate action.
  • Given all of the above, the criminal case against him in Rwanda should never have gone to trial and should have been dismissed. That being the case, when it went to trial Mr. Rusesabagina’s due process and fair trial rights were continually violated throughout the trial process.
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Le Parlement européen demande au Gouvernement rwandais de relâcher Rusesabagina.

Le Parlement européen vient d’adopter une résolution sur la situation des droits de l’homme au Rwanda, précisément sur le cas de Paul Rusesabagina. Le texte a été adopté par 660 voix pour, 2 contre et 18 abstentions.

Les détails la da résolution :

Résolution du Parlement européen sur le cas de Paul Rusesabagina au Rwanda

(2021/2906(RSP)

Le Parlement européen,

– vu ses résolutions antérieures sur le Rwanda, et notamment celle du 11 février 2021 sur le Rwanda: le cas de Paul Rusesabagina[1],

– vu la déclaration universelle des droits de l’homme,

– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui a été ratifié par le Rwanda en 1975,

– vu la charte africaine des droits de l’homme et des peuples,

– vu les directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique,

– vu la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

– vu l’ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus («règles Nelson Mandela»), révisé en 2015,

– vu la déclaration de Kampala sur les conditions de détention en Afrique,

– vu le rapport du 25 mars 2021 sur le Rwanda du groupe de travail du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur la procédure d’examen périodique universel,

– vu les déclarations de la communauté internationale condamnant les irrégularités et dénonçant l’absence de procès équitables au Rwanda, notamment du gouvernement belge, du département d’État des États-Unis et du gouvernement britannique,

– vu les déclarations publiées par la Fédération des barreaux d’Europe, le Centre des droits de l’homme de l’Association du barreau américain et plusieurs organisations de défense des droits de l’homme reconnues,

– vu l’accord de Cotonou,

– vu la Constitution du Rwanda,

– vu les instruments des Nations unies et de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples,

– vu la convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires,

– vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

  1. considérant que, le 29 septembre 2021, M. Paul Rusesabagina, militant des droits de l’homme, ressortissant belge et résident aux États-Unis, a été condamné à 25 ans d’emprisonnement par la chambre des crimes internationaux et transfrontaliers de la Haute Cour du Rwanda à la suite de son arrestation à Kigali le 31 août 2020; que M. Rusesabagina a fait l’objet de neuf chefs d’accusation liés au terrorisme et qu’il a été reconnu pénalement responsable des activités attribuées au Mouvement rwandais pour le changement démocratique/Front de libération nationale (MRCD-FLN), coalition de partis politiques d’opposition et son bras armé;
  2. considérant l’arrestation arbitraire et fallacieuse de M. Rusesabagina en août 2020, caractérisée par son transfert illégal au Rwanda, sa disparition forcée et sa détention au secret; considérant qu’aucun mandat d’arrêt n’a été produit en vue de son arrestation, contrairement aux conditions fixées à l’article 37 du code de procédure pénale rwandais de 2019, et qu’aucun acte de mise en accusation n’a été produit avant sa condamnation, en violation de l’article 68 du code de procédure pénale rwandais; que M. Rusesabagina a déclaré publiquement à plusieurs reprises qu’il ne pouvait pas rentrer dans son pays natal par peur de représailles;
  3. considérant que Johnston Busingye, ministre rwandais de la justice, a reconnu le rôle de son gouvernement dans la disparition forcée et le transfert de M. Rusesabagina en août 2020, dans le paiement du vol chargé du transfert et dans la violation du droit de M. Rusesabagina à un procès équitable; que, le 10 mars 2021, la Cour a jugé que le transfert de M. Rusesabagina était légal et qu’il n’avait pas été enlevé;
  4. considérant que, lors du prononcé du verdict, des éléments supplémentaires qui n’avaient pas été entendus par la Cour ou présentés en cours de procès ont été annoncés à propos de l’affirmation selon laquelle M. Rusesabagina avait fourni des fonds au groupe armé FLN; qu’une partie des éléments cités découlent de déclarations qui, selon M. Rusesabagina, lui ont été extorquées sous la contrainte et en l’absence de son avocat;
  5. considérant que l’équipe d’avocats qui avaient représenté M. Rusesabagina au départ n’avait pas été choisie par lui et que les avocats de son choix auxquels il avait fini par avoir accès à partir d’avril 2021 ont été empêchés de le rencontrer, ce qui est contraire à l’article 68 du code de procédure pénale rwandais;
  6. considérant que l’état de santé de M. Rusesabagina en détention a été jugé très préoccupant étant donné qu’il a eu un cancer et qu’il souffre de troubles cardiovasculaires; que, d’après ses avocats, il n’a pas pu se rendre à deux dépistages du cancer et que les autorités carcérales ont refusé qu’il ait accès au traitement prescrit par son médecin belge, provoquant des souffrances mentales et physiques, ce qui est contraire aux articles 12 et 14 de la Constitution rwandaise relatifs au droit à la vie, au droit à l’intégrité physique et à la protection contre les traitements inhumains ou dégradants;
  7. considérant qu’en septembre 2020, les autorités rwandaises ont omis d’informer les autorités belges de l’arrestation de M. Rusesabagina, en violation du principe d’assistance consulaire consacré par le droit international; que le Service correctionnel rwandais (RCS) a eu accès aux communications et aux documents juridiques échangés entre M. Rusesabagina et ses avocats; que plusieurs notes verbales ont été envoyées par le ministre belge des affaires étrangères à son homologue rwandaise afin de demander le respect des droits de M. Rusesabagina, mais que le gouvernement rwandais a refusé toute demande;
  8. considérant qu’en juillet 2021, les autorités rwandaises auraient utilisé le logiciel espion Pegasus du NSO Group pour tenter de viser plus de 500 activistes, journalistes et responsables politiques; que selon l’analyse de son téléphone par la police criminelle, le logiciel espion a également été utilisé pour infecter le téléphone de Carine Kanimba, fille de M. Rusesabagina; que les autorités rwandaises nient ce fait;
  9. considérant que le Rwandais est signataire de l’accord de Cotonou, qui dispose que le respect des droits de l’homme est une composante essentielle de la coopération entre l’Union européenne et l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique; que la consolidation de l’état de droit et le renforcement des droits de l’homme sont les grandes priorités de la programmation de l’Union européenne envers le Rwanda;
  10. considérant que la deuxième réunion ministérielle entre l’Union africaine et l’Union européenne aura lieu à Kigali les 25 et 26 octobre 2021;
  11. rappelle au gouvernement rwandais qu’il est tenu de garantir les droits fondamentaux, y compris l’accès à la justice et le droit à un procès équitable, ainsi que le prévoit la charte africaine des droits de l’homme et des peuples et d’autres instruments internationaux et régionaux en matière de droits de l’homme, dont l’accord de Cotonou, et notamment ses articles 8 et 96;
  12. souligne que le Rwanda doit garantir l’indépendance de sa justice et préserver celle-ci par sa Constitution et ses lois étant donné qu’il est du devoir de l’ensemble des institutions gouvernementales et des autres institutions de respecter et d’observer l’indépendance de la justice;
  13. rappelle que l’extradition d’un suspect vers un autre pays ne devrait avoir lieu que dans le cadre d’une procédure d’extradition supervisée de façon indépendante de façon à garantir la légalité de la demande d’extradition et à s’assurer que les droits du suspect à un procès équitable sont pleinement garantis dans le pays requérant;
  14. condamne dès lors avec vigueur l’arrestation, la détention et la condamnation illégales de M. Paul Rusesabagina, qui sont contraires au droit international et au droit rwandais; estime que le cas de M. Rusesabagina est l’exemple même des violations des droits de l’homme au Rwanda et remet en cause l’équité du verdict, qui serait dépourvu de garanties d’un procès équitable, contrairement aux bonnes pratiques internationales applicables à la représentation, au droit d’être entendu et à la présomption d’innocence;
  15. demande la libération immédiate de M. Rusesabagina pour des raisons humanitaires ainsi que son rapatriement, sans préjuger de sa culpabilité ou de son innocence; demande à la délégation de l’Union européenne au Rwanda ainsi qu’aux représentations diplomatiques des États membres de relayer cette demande avec force dans leurs échanges avec les autorités rwandaises;
  16. demande au gouvernement rwandais de garantir, en toutes circonstances, l’intégrité physique et le bien-être psychologique de M. Rusesabagina et de lui permettre de prendre son traitement habituel; insiste auprès du gouvernement rwandais pour qu’il respecte le droit du gouvernement belge d’apporter une assistance consulaire à M. Rusesabagina afin de garantir son état de santé et un accès digne de ce nom à la défense;
  17. déplore la situation globale des droits de l’homme au Rwanda et, notamment, la persécution ciblée des voix dissidentes; condamne les poursuites répondant à des motivations politiques ainsi que la poursuite des opposants politiques; demande instamment aux autorités rwandaises de garantir la séparation des pouvoirs, et notamment l’indépendance de la justice;
  18. invite le Service européen pour l’action extérieure, la Commission et le représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme à renforcer le dialogue sur les droits de l’homme au plus haut niveau avec le Rwanda dans le cadre de l’article 8 de l’accord de Cotonou afin que le pays respecte ses engagements bilatéraux et internationaux; souligne que, dans le contexte des travaux internationaux en faveur du développement au Rwanda, il convient d’accorder une priorité bien plus importante aux droits de l’homme, à l’état de droit ainsi qu’à une gouvernance transparente et réactive;
  19. demande à la Commission de procéder à un réexamen critique de l’aide apportée par l’Union européenne au gouvernement rwandais et aux institutions publiques rwandaises afin de s’assurer qu’elle encourage pleinement les droits de l’homme et n’a pas de répercussions négatives sur les libertés d’expression et d’association, le pluralisme politique, le respect de l’état de droit et la société civile indépendante;
  20. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au représentant spécial de l’UE pour les droits de l’homme, au président de la République du Rwanda, au président du parlement rwandais ainsi qu’à l’Union africaine et à ses institutions.

 Source: europarl.europa.eu

Like the U.S., Rwanda is in a pitched battle over its history

Controlling the historical narrative in Rwanda is key to the regime’s power

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By Tom ZoellnerTom Zoellner is professor of English at Chapman University and the author of “Island on Fire: The Revolt That Ended Slavery in the British Empire.”July 12, 2021 at 6:00 a.m. EDT2

Tucker Carlson recently went on an attention-grabbing screed about how America’s history of racism gets taught. He garnered headlines by calling Gen. Mark Milley, chairman of the Joint Chiefs Staff, “stupid” and “a pig” for defending a class on the subject taught at the U.S. Military Academy. Carlson then made a comparison of America to another country that managed to be both absurd — and surprisingly apt:

“The question is, and this is the question we should be meditating on, day in and day out, is how do we get out of this vortex, the cycle, before it’s too late? How do we save this country before we become Rwanda?”

The absurd part is what Carlson was trying to say: that the teaching of critical race theory in schools and universities would lead to oppressed people of color picking up machetes to slaughter White people, an ethnic cleansing that would resemble the 1994 genocide in the small East African nation of Rwanda, in which 800,000 people were slaughtered at the urging of a government made up of the majority Hutu ethnicity.

Rwanda holds an important lesson for America’s culture wars today, but not in the way Carlson thinks. Rather, in Rwanda, political leaders have rewritten the country’s history to gain political power, just as the right wing is now attempting to do in the United States. In fact, the greatest asset of the dictatorship in today’s Rwanda is its mastery of the past. “Within Rwanda today, hegemonic power relies for much of its justification on a certain reading of history,” the Smith College scholar David Newbury has concluded.

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Le travail de justice est loin d’être terminé au Rwanda

Par Lewis Mudge, Directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch.

La visite du président français Emmanuel Macron au Rwanda a mis en lumière l’importance de faire face aux responsabilités dans les crimes du passé, quel que soit le temps que cela prend. Ceux qui portent une responsabilité d’atrocités, qu’il s’agisse de génocide ou de crimes de guerre, devraient en prendre note.

La visite est intervenue après des années de relations tendues entre les deux pays. En demandant pardon, Macron entend ouvrir une nouvelle page entre la France et le Rwanda. La semaine dernière, Kigali a approuvé le choix de la France pour son prochain ambassadeur au Rwanda – le premier à occuper ce poste depuis 2015.

Les origines de ces tensions remontent au génocide au Rwanda, en 1994. Orchestré par les extrémistes politiques et militaires de l’ethnie hutue et perpétré essentiellement contre l’ethnie tutsie, le génocide a fait au moins un demi-million de morts et a été exceptionnel par sa brutalité, son organisation méticuleuse et la vitesse à laquelle les massacres ont été perpétrés. La France avait appuyé l’ancien gouvernement extrémiste du Rwanda, et avait soutenu et entraîné son armée et certaines des forces qui ont commis le génocide.

La France a aussi été critiquée, y compris par l’actuel gouvernement rwandais, pour son manque d’empressement à traduire en justice les génocidaires en fuite vivant en France. Emmanuel Macron, faisant allusion à cette question, a déclaré à Kigali : « reconnaitre ce passé, c’est surtout aussi poursuivre l’œuvre de justice ».

Le président rwandais Paul Kagame a salué son discours, affirmant que : « La vérité guérit. » Ils ont tous les deux raison. Mais une approche sélective de la vérité risque fort, un jour ou l’autre, de les rattraper.

Au Rwanda, tout le monde n’est pas autorisé à parler des exactions subies par soi-même ou ses proches au cours de l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire du pays. Le 31 mai, Aimable Karasira, un universitaire, rescapé du génocide et critique du gouvernement, a été arrêté, accusé de nier et de justifier le génocide, d’être un instigateur de divisions, et de fraude. Depuis plusieurs mois, il est harcelé et régulièrement convoqué par le Bureau d’investigation rwandais pour avoir publié sur YouTube des vidéos critiques sur l’histoire de sa famille et le génocide.

Issu de l’ethnie tutsie, Aimable Karasira affirme que des soldats du Front patriotique rwandais (FPR) ont tué plusieurs membres de sa famille à la suite du génocide. Parler des crimes commis par le FPR, qui gouverne le pays depuis 1994, représente une ligne rouge que la plupart des Rwandais n’osent pas franchir. Les crimes commis par le FPR au Rwanda n’égalent certes pas le génocide en termes de portée et d’échelle, mais ils restent des crimes de guerre atroces dont personne n’a eu à répondre.

En mars, une commission établie par Emmanuel Macron pour enquêter sur le rôle de la France dans les massacres de 1994 a publié un rapport de 1 200 pages qui a conclu que la France a des responsabilités qualifiées de « lourdes et accablantes », notamment son aveuglement quant à la préparation du génocide et sa lenteur à rompre avec le gouvernement qui l’a orchestré. En avril, un rapport mandaté par le gouvernement rwandais a conclu que le gouvernement français « porte une lourde responsabilité pour avoir rendu possible un génocide prévisible ».

Tandis que les autorités rwandaises saluent les efforts de la France pour faire face à son rôle dans les atrocités, elles continuent d’ignorer les crimes internationaux commis par des soldats rwandais dans l’est de la République démocratique du Congo. Alors qu’il se trouvait à Paris pour un sommet sur le financement post-pandémie pour le continent africain, le président rwandais Paul Kagame a, dans des interviews, écarté les questions sur les crimes terribles commis en RD Congo au lendemain du génocide. Une fois de plus, il a rejeté l’enquête de l’ONU sur ces crimes, le « Rapport Mapping » publié en 2010, et l’a qualifié de « controversé », « politisé » et « très contesté ».

Le Rapport Mapping fournit un compte-rendu détaillé de l’enquête menée par le Bureau du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme au Congo, documentant les crimes graves commis entre mars 1993 et juin 2003. Il conclut que la majorité de ces crimes peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, notamment des massacres, des violences sexuelles et des attaques contre des enfants, ainsi que d’autres exactions.

Les enquêteurs de l’ONU ont décrit le rôle de l’ensemble des principales parties congolaises et étrangères responsables, y compris les soldats rwandais et les rebelles congolais qu’ils soutenaient, qui sont accusés de certains des crimes les plus graves documentés dans ce rapport. L’absence de justice pour ces crimes est choquante, et les remarques de Paul Kagame indiquent clairement que le gouvernement rwandais n’a aucune intention de demander des comptes aux auteurs rwandais pour les crimes et exactions commis.

L’impunité pour les crimes perpétrés par des acteurs étatiques rwandais se poursuit. Lors de la même interview à Paris, Paul Kagame a rejeté d’un revers de main les préoccupations sur l’extradition illégale médiatisée de Paul Rusesabagina en août dernier et le décès particulièrement suspect en garde à vue du chanteur très populaire et engagé pour la paix, Kizito Mihigo, en février 2020. Paul Kagame est apparemment peu concerné par la reconnaissance par son propre ministre de la Justice, lors d’un appel vidéo enregistré, du rôle du gouvernement dans la disparition forcée, le transfert illégal et les violations des droits à un procès équitable de Paul Rusesabagina. Son procès pour terrorisme s’est ouvert le 17 février.

Plus d’un an après le décès de Kizito Mihigo, Paul Kagame a fait une vague allusion à une enquête fantoche, une tactique d’écran de fumée courante au Rwanda. « Tout est réglé par le biais de l’enquête et du tribunal », a-t-il dit. Ceci est clairement faux. Une enquête véritablement indépendante est nécessaire. Étant donné le nombre de meurtres d’opposants politiques à l’intérieur et hors du Rwanda, il n’est pas surprenant qu’une telle enquête n’ait pas encore été menée.

La France est en train de faire face à ses responsabilités pour les atrocités passées, mais elle devrait aller plus loin et s’assurer que les auteurs du génocide soient traduits en justice. Les dirigeants du Rwanda devraient reconnaître leur propre rôle dans les crimes passés et actuels. Entre-temps, Emmanuel Macron devrait veiller à ne pas  adhérer à des discours réécrivant le passé et à des présentations tronquées du présent, et s’engager à défendre les droits humains dans son pays comme à l’étranger.

Human rights Watch

Le déni de justice envers la population hutue. Jusqu’à quand?

LETTRE OUVERTE AU PREMIER MINISTRE DE LA Belgique

 Gand, le 4 février 2021

Monsieur le Premier Ministre,

 Concerne : relations de la Belgique avec la république du Rwanda.

  1. Le 1 octobre 1990 le Rwanda fut attaqué par l’armée de mercenaires “Front Patriotique Rwandais (FPR)” ayant aidé le Rwandais Yoweri MUSEVENI, à renverser le président Milton OBOTE en Ouganda, dans ce qu’il faut qualifier d’une guerre d’agression illégale, le Rwanda n’ayant attaqué ni le FPR, ni l’Ouganda. L’agression, le crime contre la paix, est le crime international le plus grave.

Une question brûlante est celle de savoir qui a financé et armé ce groupe de mercenaires, qui est devenu en quelques années et en pleines négociations de paix à Arusha, l’armée la plus puissante de la région.

Entre 1990 et 1994 le FPR a commis son premier génocide contre la population hutue, qu’elle avait l’intention d’exterminer. La peur s’installa dans le pays et les camps de réfugiés, qui s’étaient formés à l’intérieur du Rwanda, furent bombardés par le FPR à l’arme lourde.

Le 6 avril 1994 le FPR assassina les présidents hutus du Rwanda et du Burundi en descendant l’avion qui les transporta à l’aide de deux missiles de fabrication russe ayant été livrés par la Russie à l’Ouganda. Le FPR savait que cet attentat déclencherait le génocide contre les Tutsi, ce qui arriva.

Le même jour le FPR, qui avait pourtant signé les accords de paix d’Arusha, prévoyant l’intégration militaire et politique du FPR au Rwanda et dont l’exécution était déjà en cours au Rwanda, lança son offensive militaire finale, bien préparée depuis longue date, qui devait mener au renversement du régime en place déjà dirigé par le gouvernement de transition prévu par les accords de paix, comprenant aussi des ministres tutsis. La signature des accords de paix par le FPR ne fut donc que de la poudre aux yeux.

Dans sa lettre du 10 août 1994 le général Paul Kagame félicite son bureau à Bruxelles de la prise de pouvoir et précise ses buts suivants : déstabilisation du Burundi, “confinement” de la population hutue et, but final évident, invasion de l’Est du Congo, dès le “retour” des réfugiés.

Cette lettre fait partie de la banque de données du Procureur près le TPIR sous le n° 0002905, et son authenticité n’a jamais été mise en doute par celui-ci.

Cette lettre établit donc l’intention criminelle quant à l’invasion du Congo, où le troisième génocide est toujours en cours, ayant fait, en un quart de siècle, des millions de victimes dont personne ne parle.

Cette lettre a entre-temps été largement confirmée par les faits sanglants qui en forment l’exécution.

Au Rwanda une dictature sanglante est installée depuis 26 ans, sans aucun respect des droits de l’Homme : procès illégaux, disparitions et exécutions sommaires à l’intérieur et à l’extérieur, tortures féroces d’opposants déclarés, … la liste est longue. Beaucoup de rapports récents très crédibles confirment cet état de choses.

  • Il faut constater que la Belgique soutient le FPR et son régime sanglant depuis au moins 30 ans.

Le Parquet Fédéral belge et les services secrets belges ont des accords secrets de coopération avec ce régime.

Le Parquet Fédéral belge exécute sans réserves l’agenda judiciaire du régime rwandais en ne poursuivant que des Hutus, dans ce que l’on ne peut qualifier que d’une “justice de vainqueurs”. Les “instructions” menées au Rwanda, où les “témoins”, préparés par le régime, sont entendus dans les bureaux du Procureur à Kigali et en sa présence, sont essentiellement “fabriquées”.

Au procès à Bruxelles les témoins de la défense ne sont pas retenus, contrairement à ceux du Procureur et en violation flagrante de l’art. 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, pour ne donner qu’un exemple de procès inéquitables devant mener nécessairement à des condamnations très sévères de personnes souvent innocentes.

Des Tutsis, membres ou anciens membres du FPR, coupables de crimes de guerre et/ou de génocide, résidant même en Belgique, ne sont pas poursuivis, de telle sorte que la justice belge commet un déni de justice envers la population hutue toute entière.

Combien de temps encore, Monsieur le Premier Ministre, l’état belge mettra-t-il à l’épreuve la patience et le sentiment de justice du citoyen ?

Votre bien dévoué,

Jean FLAMME,

Avocat au Barreau de Gand, de la Cour Pénale Internationale, du TPIR et du TSL.

www.flamme-law.eu

Rwanda : Le recyclage de l’usage de listes par CNLG. C’est du déjà vu.

Sur son site web, Rwanda Broadcasting Agency (RBA) a sorti une liste d’une trentaine de médecins de l’Hôpital universitaire de Butare censés avoir participé dans le génocide rwandais de 1994. Cette liste est un recyclage d’une vieille liste sortie par une certaine Rakiya Omaar d’Africa Rights et qui était payée par le gouvernement rwandais pour fabriquer ces accusations. Les compromissions entre Rakiya Omaar et le FPR furent découvertes et étalés au grand public. Prise de honte, elle qui se disait militer pour les droits de l’homme, Rakiya Omaar disparut dans la nature. Que Jean Damascène Bizimana  du CNLG (Commission nationale de lutte contre le génocide) sorte de nouveau la liste, c’est de bonne guerre mais ça ne convainc personne. C’est plutôt la loi du moindre effort et une façon ostentatoire de montrer qu’il travaille et que le budget colossal alloué au  Centre qu’il préside se justifie.

Une petite historique de l’usage de listes montre que le FPR (Front patriotique rwandais, parti au pouvoir au Rwanda) y fait régulièrement recours pour traquer ses opposants politiques ou ceux dont il soupçonne de n’être pas d’accord avec sa politique. Il a donc imaginé ce raccourci de listes de « génocidaires ». C’est une arme politique redoutable et qui a été utilisée avec succès par l’UNAR (Union Nationale Rwandaise) ancêtre du FPR.

L’usage de listes à des fins criminelles date de novembre 1959. Cette année, des extrémistes du parti UNAR (Union Nationale Rwandaise, ancêtre du FPR) y ont eu recours pour désigner les Hutu à abattre. Ceux qui avaient commencé à manifester leur ras-le-bol avec le système féodal en vigueur furent listés et qualifiés d’« abaporosoma », membres du parti APROSOMA (Association pour la Promotion Sociale de la Masse) de Joseph Habyarimana Gitera (Temps Nouveaux, 1/11/1959). Il est vrai que bon nombre des ces avant-gardistes étaient des leaders de ce parti. Ils furent pourchassés et assassinés atrocement.

Le système de listes ayant fait ses preuves, il fut adopté par le FPR durant la préparation de la guerre. Ainsi, parallèlement aux attaques qu’il menait, le FPR élaborait des listes des personnes à abattre. Déjà en mars 1993, en pleine négociation d’Arusha, il avait fourni une liste des autorités administratives et politiques à relever de leurs fonctions. La plupart ont été assassinées. Après la descente de l’avion du Président Habyarimana, tout au début du mois d’avril 1994, le FPR envoya à bon nombre de pays et de chancelleries ce qu’il appela la « CDR list », contenant selon lui les noms de ceux qui étaient impliqués dans des massacres. La liste comprend même des personnes inexistantes ou qui ne vivaient pas au pays depuis de longues années.

Après sa prise de pouvoir en 1994, le FPR officialisa le système de listes. En 1995, un projet de loi révisant le code pénal pour y introduire le crime de génocide fut préparé par feu Alphonse Marie Nkubito, alors ministre de la justice. Parallèlement, un autre projet fut initié par les services du FPR. Ils proposaient la mise sur liste des suspects du génocide, leur catégorisation et le principe de plaidoyer de culpabilité. Pour donner une force à son projet et enterrer celui du ministère de la justice, le FPR organisa à Kigali un symposium international en décembre 1995 dont les recommandations allaient dans le sens de son projet de loi. Après l’éviction de Nkubito, sa remplaçante, Marthe Mukamurenzi, endossa le projet mais au moment d’aller le défendre au Parlement, elle fut remplacée par Charles Muligande, alors Ministre des Transports et Secrétaire Général du FPR.

Sitôt arrivé à Kigali, le FPR lança une liste de 428 personnes. Elle fut revue et enrichie jusqu’à 1946 personnes et publiée au Journal Officiel la République Rwandaise comme «  Liste n°1 de la première catégorie prescrite par la loi organique n°8/96 du 30/08/1996 ».

La liste du 30/08/1996, comme par ailleurs toutes les précédentes, condamne avant même de juger et pêche contre le principe de la présomption d’innocence. Elle a fait des ravages en particulier dans l’intelligentsia hutu. Pourtant, les critiques qui lui sont faites lui ôte pratiquement toute sa valeur.

En effet, on y retrouve par exemple des personnes mortes avant 1990 et d’autres mortes avant 1994. Parmi celles-ci se retrouvent même des victimes du FPR d’avril 1994 dont notamment Théoneste Mujyanama assassiné par le FPR à Kigali, ancien ministre de la justice; Sylvestre Baliyanga, ancien Préfet de Kibuye et de Ruhengeri, assassiné par le FPR avec sa famille chez lui à Remera, à Kigali; Jean Hategekimana, ancien Président du Tribunal de Première Instance de Kigali et sa famille assassinés par le FPR à Kigali.

La liste contient aussi par des fautes de forme inexcusables dans une matière aussi grave. A certains endroits, la numérotation manque ou les numéros sont repris deux fois. L’identification des personnes est incomplète vu qu’elle ne fait mention, dans la plupart des cas, que des noms et prénoms sans autres coordonnées. Certaines personnes sont même identifiées uniquement par leurs prénoms. A certains numéros, on retrouve les mêmes personnes mais identifiées avec des données différentes.

Appelé à s’expliquer par une certaine opinion nationale choquée par la grossièreté des erreurs de la liste qui dépassaient tout entendement, le Procureur Général Siméon Rwagasore, signataire de la liste, a été obligé d’avouer, dans une interview au journal Intego (n° 25, décembre II, 1996), que la liste n’avait pas la valeur qu’on voulait lui prêter. Pourtant au Rwanda, des centaines de personnes ont été arrêtées et emprisonnées par le fait même qu’elles figuraient sur la liste, malgré des discours officiels rassurants (Amiel Nkuliza, Le Partisan, n° 40, janvier 1997).

Fort heureusement, certains Etats démocratiques se sont aperçus du manque de sérieux de cette liste et ont accordé l’asile politique à certaines personnes qu’elle reprend. Pouvait-il en être autrement puisque même le pouvoir de Kigali a affecté aux hautes fonctions des personnalités figurant sur la liste.

La liste du 30/08/1996 a été actualisée le 31 décembre 1999. Elle contenait les mêmes erreurs que la précédente malgré un vernis qui ne pouvait tromper personne. Elle pêchait toujours contre la présomption d’innocence. Elle condamnait avant jugement.

La liste mentionnait même le nom de Juvénal Habyarimana. Pourtant le FPR est désigné par plusieurs sources comme le commanditaire de son assassinat.

Le 19 mars 2001 la liste fut portée à 2898 noms. 36 noms avaient disparu et 801 nouveaux noms y étaient apparus ; Pierre Célestin Rwigema qui a été chef du gouvernement du FPR pendant 5 ans y figurait en bonne place.

Au fil des années, le FPR n’a pas désarmé. Il a envoyé des agents de la DMI dans bon nombre de pays africains et européens. Ils avaient une couverture d’étudiants ou de diplomates ou se présentaient eux aussi comme des réfugiés.

Leur rôle était de recenser les réfugiés hutu se trouvant dans ces pays. A partir des informations qu’ils transmettaient régulièrement, une liste de 93 hutu vivant à l’étranger fut élaborée et transmise à bon nombre de pays ainsi qu’à INTERPOL.

Le système de listes fut utilisé dans les Tribunaux Gacaca. Un million de personnes furent recensées : des hommes et des femmes encore valides, des leaders d’opinion, des intellectuels (enseignants, agronomes, infirmiers,…). Le même travail fut fait à l’étranger et la liste arrêtée contenait plus de 40000 personnes.

Le système de listes a fait ses preuves. Le FPR y fait recours pour maintenir et consolider son pouvoir dictatorial et criminel, en tentant d’intimider quiconque est susceptible de porter un jugement sur sa gestion bananière du pouvoir.

Gaspard Musabyimana
23/5/2020

Arrestation de Félicien Kabuga. Historique d’un dossier judiciaire controversé

L’arrestation de Félicien Kabuga, le 16/5/2020 à Paris, a fait la Une de bon nombre de journaux du monde et la nouvelle est partagée abondamment sur les réseaux sociaux.

Mis en accusation il y a un quart de siècle, les charges qui pèsent sur Kabuga Félicien se sont peu à peu effondrés et le dossier judiciaire s’est dégonflé au vu des éléments nouveaux apparus au tout au long de ces 25 ans et qui permettent d’éclaircir certaines zones d’ombre du génocide rwandais.

Félicien Kabuga, un self-made-man devenu millionnaire

Né en 1932 en commune de Kiyombe, dans la préfecture de Byumba au Rwanda, M. Félicien Kabuga a débuté son commerce à l’âge de 18 ans, sans aucun capital et sans aucune formation. Il n’a fréquenté aucune école. Il a constitué son premier capital en vendant au marché local les corbeilles qu’il tissait lui-même. Ensuite, il s’est lancé dans le troc du sel  contre le café et les produits vivriers. En 1956 il a obtenu son registre de commerce et a ouvert un magasin de commerce des biens de première nécessité notamment les outils agricoles. En 1959 il s’est marié avec Josephine Mukazitoni (+). Jusqu’en 1973, il est resté dans le centre de négoce de Rushaki proche de la frontière rwando-ougandaise, ce qui lui permettait d’étendre sa clientèle aux Ougandais frontaliers.

Ce n’est qu’en 1973, après déjà vingt années d’activités, qu’il s’est installé dans la capitale Kigali où il venait d’achever la construction d’une maison à deux niveaux qui lui servait à la fois de résidence et de lieu de travail. Il a poursuivi ses activités commerciales en achetant, sur place, à des grossistes, des produits importés qu’il revendait au détail. Après avoir accumulé des fonds nécessaires et analysé le marché, il a décidé d’étendre son activité à l’importation. Il a commencé par la friperie (vêtements de seconde main) qu’il importait de Hollande (Simon Spayer), des Etats-Unis (Galaxy Ltd, United Ltd, Mara Ltd) et de Belgique (Mandere).

Au fur et à mesure de l’expansion de ses affaires, il a diversifié ses marchandises en important d’autres produits tels que des luminaires, des tôles, du lait en poudre, des appareils électroménagers, des outils agricoles, des produits alimentaires,…

Quelques années plus tard, il a investi dans d’autres secteurs tels que le transport, les plantations de thé, l’industrie, l’immobilier et les banques. Au 6 avril 1994, il possédait plusieurs biens et notamment:

– des dépôts de blé, de farine et de différentes marchandises de plusieurs millions de dollars
– une quarantaine de camions de transport international

– une plantation  de thé de plus de 350 hectares à Mulindi

– une minoterie d’une capacité de plus de 39.000 tonnes de blé par an dans la ville de Byumba

– plusieurs immeubles à Kigali dont un entrepôt de marchandises à Gikondo, des maisons d’habitation dans divers quartiers de la capitale et un complexe immobilier à Muhima qui devait comprendre un hôtel-restaurant, des bureaux, des espaces de location, un supermarché. L’immeuble était déjà équipé en bureaux, télévisions, lits etc.

Il détenait également des actions de plusieurs sociétés:

– la Banque Commerciale du Rwanda (BCR)

– la Banque Continentale Africaine du Rwanda (BACAR)

– la Rwandaise : Société rwando-européenne d’importation et d’entretien des véhicules de marque Mercedes, rebaptisée Akagera Motor par ceux qui se la sont appropriée

– la  Société de Transport International du Rwanda (STIR)

– la Radio-Télévision Libre des Mille Collines (RTLM).

Destruction, pillage et appropriation des biens meubles et immeubles de la famille Kabuga par le régime du FPR

A la reprise de la guerre, le 6 avril 1994, l’armée du Front Patriotique Rwandais (FPR) a démoli, à la dynamite, la résidence de la famille Kabuga qui était située dans le quartier de Remera. Après la prise du pouvoir par le FPR, ce dernier et son régime se sont livrés au pillage de ses biens et autres escroqueries. Il a vidé toutes les marchandises qui se trouvaient dans les entrepôts de Byumba, de Muhima et de Gikondo. Il a démonté les machines de la minoterie de Byumba et il les a vendues en Uganda après les avoir exploitées pendant au moins deux ans et après avoir épuisé les immenses stocks de blé évalués à 3.242.000 USD[1]. Finalement, l’Etat rwandais a décidé de vendre ce qui restait de la minoterie de Byumba à une entreprise kenyane Pembe Flours Mills Ltd.

Le reste des biens est exploité gratuitement par l’Eta rwandais et les dignitaires du FPR. Ainsi, les plantations de thé situées à Mulindi et à Nyange d’une superficie de plus de 350 hectares ainsi que les maisons d’habitation qui y sont construites sont exploitées pour le compte du ministère de la défense. Le complexe de Muhima de 120 chambres, 80 bureaux et d’autres locaux destinés à diverses activités commerciales et administratives abrite les services du FPR, du gouvernement et des institutions internationales. Ces dernières versent le loyer au FPR. Le  régime y loge aussi, gratuitement, des membres des dignitaires du FPR. A Remera et à Kimihurura, quartiers de la capitale, les maisons résidentielles de la famille sont occupées par des protégés du régime. Les entrepôts de Gikondo sont utilisés comme prison.

Les comptes bancaires n’ont pas été épargnés. Des dépôts équivalents à 400.000 Euros ont été subtilisés et pour rétablir l’équilibre comptable des institutions bancaires concernées, les comptes créditeurs de la famille ont été changés en comptes débiteurs, ce qui est un double vol. Quant aux actions dans diverses sociétés (BACAR, BCR, STIR, La RWANDAISE), elles se sont volatilisées et personne n’en parle.

Toutes les démarches que la famille a entreprises auprès des autorités rwandaises pour  récupérer ses biens se sont soldées par un échec. Elle a décidé d’envoyer au Rwanda le fils aîné de M. Kabuga, muni des procurations nécessaires, pour réclamer la restitution des biens. Il y a été reçu par l’ex-procureur général Gerald Gahima ainsi que par de nombreux autres fonctionnaires. Ses interlocuteurs lui ont exigé de reconnaitre, au préalable, que M. Félicien Kabuga a commis le crime de génocide, de renoncer à la réclamation des revenus passés et d’accepter les immeubles et les plantations de thé dans leur état actuel. La famille n’a évidemment pas souscrit à ce vicieux marchandage. Le représentant de la famille est rentré dans son pays d’asile sans avoir rien obtenu.

Chemin de croix de M. Félicien Kabuga

A Naïrobi, au Kenya, M. Félicien Kabuga a échappé, en date du 29/12/1995, à un attentat dans lequel le jeune homme qui l’accompagnait a reçu 3 balles dans l’abdomen. Il est, sans nul doute, certain que le commanditaire de cette opération est le FPR comme dans les cas du colonel Théoneste Lizinde et du ministre Seth Sendashonga. Le mobile de cet attentat est que cette organisation politico-militaire qui a pris le pouvoir par la force le considérait comme un opposant politique susceptible de financer une opposition politique en raison de son patrimoine. En outre, le FPR craignait des poursuites judiciaires pour les massacres commis contre plusieurs membres de sa famille et de sa belle-famille. Certains ont été éliminés au Rwanda dans les communes de Kiyombe et de Mukarange ainsi que dans la préfecture de Kigali-ville avant et après la victoire du FPR. D’autres ont été liquidés lors des massacres de plus 300.000 réfugiés hutu perpétrés par le FPR en 1996-1997 dans les camps et dans les forêts de la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre).

En septembre 1999, le procureur du TPIR, Madame Carla del Ponte, a fait bloquer les comptes de toute la famille y compris ceux des enfants, sans qu’un jugement ait été prononcé sur ce blocage arbitraire décidé par le seul procureur.

Afin de vous permettre de bien saisir le caractère injuste de la décision du procureur du TPIR, Carla del Ponte, nous rappelons ci-après les éléments essentiels de ce dossier.

Le 30 septembre 1999, un mois après le lancement du mandat d’arrêt international contre M. Kabuga, le procureur du TPIR  envoie une demande d’entraide au ministre de la justice de la République Française pour faire bloquer les comptes de la famille Kabuga et faire saisir les documents y relatifs. En novembre de la même année, les autorités françaises apportent leur concours au procureur et se conforment à ses exigences. Le 22 mars 2000, l’avocat de la famille Kabuga demande au procureur de lever le blocage de ces comptes en lui prouvant, arguments à l’appui, le caractère inique de cette décision, en particulier en ce qui concerne le blocage des comptes des enfants et de l’épouse de M. Kabuga. Le 12 septembre 2000, le procureur informe le requérant, sans autre précision, que, sur la base du rapport interne réalisé par ses enquêteurs, il ne peut, pour l’instant, pas revoir sa décision.

Le 26 janvier 2001, l’avocat de la famille Kabuga présente une requête à Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs composant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda dans laquelle il requiert d’annuler la décision du Procureur et d’ordonner le déblocage des comptes. Le 8 février 2001, l’agent chargé de l’administration du tribunal, sur instruction de son Président, signifie au plaignant que sa requête ne peut pas être prise en considération car « il ne peut ester devant cette juridiction du TPIR ».

Le 15 mars 2001, l’avocat fait appel et adresse une requête à Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de la chambre d’appel près la chambre d’appel dans laquelle il exige à nouveau d’annuler la décision du 12 septembre 2000 et de lever les mesures prises par les autorités françaises en exécution de la demande d’entraide du procureur du TPIR. Le 9 octobre 2002, le juge-président de la chambre d’appel charge une cour composée de 5 juges d’examiner ladite requête. La cour rejette l’appel parce que le plaignant ne serait pas habilité à recourir à la chambre d’appel mais considère que :

1° la famille Kabuga peut saisir à nouveau le procureur pour qu’il reconsidère sa décision du 12 septembre 2000.

2° le procureur a fait bloquer les comptes de la famille Kabuga  en vertu d’un règlement établi par les juges. Par conséquent les juges, à travers un mécanisme approprié de la chambre d’accusation, gardent la responsabilité de revoir une telle mesure en particulier lorsqu’un dommage est allégué par une personne qui n’est pas inculpée par le TPIR

3° la décision d’un organe non-judiciaire qui affecte la liberté des individus ou leur propriété doit être sujette à une révision judiciaire.

En définitive, la chambre d’appel estime que la famille Kabuga a le droit d’exiger un réexamen judiciaire de la décision du procureur du 12 septembre 2000 par la chambre d’accusation.

Le blocage des comptes n’est pas la seule injustice commise par le TPIR à l’égard de la famille Kabuga. Celle-ci a été soumise, au cours des années, à des perquisitions fréquentes et aux longs interrogatoires qui frisent la torture morale. Ces perquisitions ont été parfois menés par un certain Pierre Duclos, agent du TPIR et ex-policier de la Sûreté du Québec, célèbre pour ses méthodes d’intimidation. En effet, il a quitté ses fonctions de policier au Canada suite à une plainte disciplinaire pour parjure, fabrication de preuves et intimidation.

Lors de ces perquisitions, des documents importants (factures, extraits de comptes, diplômes, cassettes vidéo, ordinateurs, titres de propriétés etc.) ont été emportés par les policiers parfois sans les avoir préalablement consignés dans un procès-verbal.

Non-respect de la présomption d’innocence de M. Félicien Kabuga

Toute justice véritablement équitable doit respecter le principe de la présomption d’innocence or M. Félicien Kabuga n’a jamais bénéficié de la présomption d’innocence. Les médias, le TPIR, la justice rwandaise, certains pays, le traitent comme s’ils avaient la certitude de sa culpabilité. Ils ont tous, sans aucune vérification, pris pour argent comptant les fausses accusations de génocide que le régime de Kigali a porté contre lui.

De fait aucun des procureurs qui se sont succédés au TPR, n’a pu réunir de preuves matérielles ni de témoignages crédibles susceptibles d’appuyer les accusations portées à l’encontre de Félicien Kabuga. En tous cas, aucun n’en avait encore trouvés, le 24 juin 2005, comme l’ont fait remarquer les juges Dennis C.M. Byron, Florence Rita Arrey et Gberdao Gustave Kam[2].

L’autre raison  avancée pour bloquer ses comptes et ceux de sa famille, à savoir que l’argent aurait été acquis illégalement ou servirait à financer une organisation génocidaire et terroriste,  n’est pas plus fondée. Jusqu’à ce jour le blocage des comptes de la famille procède de la décision du procureur et non d’un jugement. Elle n’est toujours pas soumise à un juge pour confirmation.

Enfin, en ce qui concerne l’Etat rwandais et ses dignitaires, il ne s’agit même pas, à proprement parler, de saisie conservatoire mais d’appropriation puisque certains biens sont vendus à l’insu des propriétaires et que les revenus tirés des biens “saisis” ne sont versés sur aucun compte ouvert à cet effet.

Charges judiciaires contre Félicien Kabuga

Le Front Patriotique Rwandais (FPR) et le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) accusent M. Kabuga F. de planification des massacres des Tutsi. L’administration américaine l’accuse de terrorisme. Pour étayer l’accusation de génocide des Tutsi portées contre M. Kabuga, le FPR et le TPIR avancent comme preuves les éléments suivants : l’importation des machettes, l’appartenance à l’Akazu, la mise à disposition des Interahamwe de son entreprise, la contribution au Fonds de Défense Nationale (FDN), la participation à l’actionnariat de la RTLM et la présidence de son comité d’initiative.

  1. L’ importation des machettes

Par un fallacieux raisonnement, ce fait réel est travesti en un acte criminel et en une preuve de la responsabilité de M. Kabuga dans le « génocide ». Il est vrai que M. Kabuga a importé des machettes pendant la guerre. Mais il ne les a pas importées seulement pendant cette période. Il les importait depuis 1981 car elles font partie, à l’instar des houes, des outils indispensables aux agriculteurs et aux éleveurs qui  représentent plus de 90% de la population rwandaise. Même les citadins s’en servent pour divers usages.

Par ailleurs contrairement aux affirmations du FPR, du TPIR et des journalistes pro-FPR, il n’a pas importé, en 1993, des quantités anormalement élevées et il ne les a jamais  distribuées gratuitement.

Enfin il n’en était ni le seul, ni le plus important importateur. D’autres hommes d’affaires y compris les Tutsi en importaient également et en quantités parfois plus importantes que lui. En 1993, la société Kishor Jobanputras, qui exerce toujours au Rwanda  en a importé pour 48.692.178 FRW alors que Kabuga n’en a importé que pour 14.856.185 FRW. L’usine, Rwandex-Chillington avait même été créée pour fabriquer localement les machettes et les houes. Sous le régime actuel du FPR, plusieurs commerçants continuent d’en importer et l’usine citée ci-dessus d’en produire. Pourquoi M. Kabuga aurait-il commis seul un crime en important les machettes ?

  1. L’appartenance à l’Akazu et le financement du MRND, des Interahamwe et du Fonds de Défense Nationale

Le FPR et le TPIR posent comme prémisse l’affirmation selon laquelle l’Akazu, groupe qui réunirait toutes les personnes proches de la famille du Président, constitue une organisation criminelle qui a planifié et commis les massacres des Tutsi. Ils en déduisent que tout individu, censé être membre de ce groupe, est impliqué dans le génocide des Tutsi. Comme M. Kabuga F. est lié, par alliance, au Président Habyalimana, il est d’office pris pour membre de l’Akazu et donc pour un génocidaire.

Or, rien ne prouve jusqu’à ce jour que ce concept d’Akazu correspond à une organisation réelle. Après plusieurs années d’enquête, le FPR et le TPIR ne sont toujours pas parvenus à dire quand il a été créé, qui était son chef, quels étaient ses membres, comment il était structuré et où il tenait ses réunions. Ils ont commis l’erreur de vouloir appliquer à la justice un concept flou et caricatural inventé par l’opposition intérieure pour dénoncer un certain népotisme du régime Habyarimana[3].

La politique, art du mensonge et de la manipulation par excellence, peut se permettre de jouer avec de telles notions. La justice, elle, doit se fonder sur des notions claires dont la compréhension et l’extension sont précises. En l’occurrence la proximité doit être bien définie pour pouvoir circonscrire ce groupe et son caractère d’association de malfaiteurs doit être démontré. C’est instrumentaliser la justice que d’accuser les gens au seul motif  qu’ils seraient proches du Président Habyarimana. Comme le reconnaît  la chambre de première instance III du TPIR, faire valoir des liens familiaux n’est pas suffisant pour soutenir une allégation invoquant une responsabilité de commandement. Protais Zigiranyirazo, beau-frère du président Habyarimana, et supposé être l’éminence grise de l’akazu, a été acquitté par le TPIR.

 

Quant aux Interahamwe, il est faux d’affirmer qu’il a mis son entreprise et son domicile à leur disposition pour l’entraînement au maniement des armes. Pourquoi les Interahamwe devaient-ils s’entraîner dans une maison ? Est-ce crédible ? A quel titre M. Kabuga devait-il intervenir dans la formation militaire des Interahamwe ? Il ne faisait partie ni de l’armée, ni de la direction du MRND. La chambre de 1ère instance, dans sa décision susmentionnée, a d’ailleurs estimé que le procureur n’a pas fourni d’éléments de preuves suffisants à l’appui de l’allégation selon laquelle M. Kabuga aurait mis à la disposition des Interahamwe son entreprise et son domicile.

Le MRND avait été créé dans le cadre de la constitution du 10 juin 1991 et de la loi sur les partis. Suivant les Accords d’Arusha du 4 août 1993, il devait également participer aux institutions de transition à base élargie et personne n’avait contesté sa participation. Il ne peut pas donc être assimilé à une association de malfaiteurs ou une organisation criminelle. Dans ce cas pourquoi avoir cotisé au MRND ou y avoir adhéré serait-il un crime ? M. Kabuga, comme tout autre citoyen, avait le droit d’être membre d’un parti de son choix.

Concernant le Fonds de défense nationale, il est également difficile de comprendre en quoi y avoir participé constitue un crime. Ce fonds avait été décidé, au début de la guerre, par les autorités légales, pour soutenir un effort de guerre. La guerre avait été déclenchée par le FPR dans le seul but de conquérir le pouvoir par la force. Le peuple et le gouvernement en place avaient le droit de s’opposer à cette prise du pouvoir par la force. Il n’y a rien de répréhensible non plus d’avoir participé, après la reprise de la guerre en avril 1994, à la redynamisation et au renflouement de ce fonds.

  1. Participation à l’actionnariat de la RTLM et présidence de son comité d’initiative

La RTLM n’était pas la seule société dans laquelle M. Kabuga F. avait engagé des fonds. Il avait investi dans d’autres sociétés rwandaises notamment la STIR, La Rwandaise, la BACAR et la BCR. La participation au capital de la RTLM répondait à sa politique de diversification de ses investissements. Contrairement à l’opinion répandue, il n’était ni majoritaire, ni le plus important des actionnaires. Il n’y détenait que des actions équivalentes à 0,5% du capital alors que certains actionnaires avaient souscrit le double de sa participation. Il ne pouvait donc pas en être le propriétaire. Kabuga F. n’a jamais prononcé des propos incitatifs à la haine dans un média quelconque ni avant ni après le 06 avril 1994.

4. Financement de l’ALIR, organisation supposée  terroriste

L’administration américaine a inscrit l’ALIR (Armée de Libération du Rwanda) dans la deuxième section de la liste des organisations terroristes parce qu’elle aurait kidnappé et tué, en 1999, huit touristes étrangers dont deux citoyens américains.

Les coupables qui furent arrêtés par le régime du FPR sont : François Karake, Grégoire Nyaminani et Leonidas Bimenyimana, d’anciens militaires hutu qui avaient ‘‘avoués les faits’’. En 2003, Paul Kagame a envoyé aux Etats-Unis d’Amérique les trois rwandais. Après plusieurs années d’enquêtes, le Tribunal du District of Columbia a acquitté les suspects de toutes charges portées contre eux car des éléments de preuve ont montré que les aveux des suspects leur avaient été arrachés par des tortures des services secrets rwandais. Des témoignages d’un ancien officier du FPR, Aloys Ruyenzi, désigne les militaires du FPR comme les tueurs de ces touristes. Au mois de mai 2019, Leonidas Bimenyimana and Grégoire Nyaminani ont reçu asile en Australie.

Un dossier qui s’est dégonflé au fur des années

L’accusation de génocide ou de crimes contre l’humanité portées à l’encontre de M.  Kabuga F. procède d’un assemblage d’éléments, eux-mêmes construits à partir de contrevérités prises pour axiomes et de faux raisonnements du genre : les machettes ont été utilisées pour tuer les Tutsi. Or, il a importé les machettes. Donc, il a participé aux massacres des Tutsi. Le même faux raisonnement se tient à propos de la RTLM : la RTLM (Radio Télévision Libre des Mille Collines) a incité à la haine ethnique. Or, il en était actionnaire et président de son comité d’initiative. Donc il a incité à la haine ethnique. Le procureur du TPIR n’a pas jugé nécessaire de vérifier s’il y avait un lien nécessaire entre le commerce de machettes et les massacres des Tutsi et si la RTLM a été réellement créée pour prêcher la haine. Sur la base des mêmes fallacieuses déductions, il est accusé d’avoir planifié les massacres des Tutsi parce que, en tant que père de l’une des belles-filles du Président Habyarimana, il serait membre de l’Akazu, supposé être planificateur du génocide.

Le procureur du TPIR s’est contenté de poursuivre les personnes désignées par le gouvernement rwandais, dont certains sont victimes de l’instrumentalisation de cette institution par les autorités rwandaises pour des raisons de magouilles politico-financières. Il a souvent fondé ses inculpations et ses jugements sur la version des faits du régime FPR, le vainqueur, et sur les témoignages des personnes présentées par les associations de délateurs, contrôlées par ce même régime. C’est sans doute pour cette raison que, comme l’écrit André Guichaoua : « Dans tous les procès (du TPIR), de nombreux contre-interrogatoires de témoins démontrent à l’évidence la faible crédibilité des déclarations (des témoins) et soulignent crûment la faiblesse ou l’absence d’une instruction établissant des faits tangibles »[4]. Quand une personne adhère au FPR, elle devient innocente aussi bien pour la justice rwandaise que pour le TPIR et quand elle critique la politique du régime de Kigali, elle est étiquetée extrémiste, génocidaire, divisionniste ou négationniste par les deux justices. Or, comme le dit encore A. Guichaoua, dans l’article susmentionné : « Le TPIR n’est pas censé juger des prisonniers politiques mais des accusés qui portent personnellement la responsabilité des crimes commis ou qu’ils ont eux-mêmes perpétrés. »

Enfin, pour ne pas embarrasser les autorités de Kigali, le TPIR s’est gardé, jusqu’à date, de se prononcer sur le commanditaire et les auteurs de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana et d’avancer un nombre estimatif global des victimes Hutu qui pourraient être qualifiés de génocide si un tribunal s’y penchait, selon le Mapping Report.

Si le régime de Kigali s’est acharné contre M. Kabuga, ce n’est non pas parce qu’il a commis un quelconque crime contre l’humanité, mais parce que le FPR et l’Etat rwandais ont toujours cherché un moyen de se sortir de l’impasse dans laquelle ils se sont fourrés en détruisant sa résidence de Remera, en pillant ses stocks de marchandises, en vendant sa minoterie de Byumba, en exploitant, depuis bientôt 25 ans, ses plantations de thé et ses nombreux immeubles sans rien lui payer.

Il est dommage que le TPIR et la communauté internationale aient pris pour argent comptant les allégations du régime de Kigali accablant M. Kabuga Félicien.

 

Jean-Charles Murego

Bruxelles, le 17 mai 2020

http://www.echosdafrique.com


[1] Lettre du 10 août 2008 adressée à Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, par le Comité de soutien à Monsieur Félicien Kabuga et à sa Famille.

[2] Voir la décision du 24 juin 2005 de la chambre de 1ère instance du TPIR sur l’acte d’accusation amendé.

[3] Lire à ce sujet : Gaspard Musabyimana, Rwanda le mythe des mots. Recherche sur le concept « akazu » et ses corollaires, Paris, Editions L’Harmattan, 2008.

[4] Tribunal pour le Rwanda : De la crise à l’échec?, Le Monde du 03.09.2002

RDC: Vital Kamerhe, de quoi est-il accusé?

Le Parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe annonce que la première audience aura donc lieu le 11 mai. Une décision qui est intervenue à la suite du transfert du dossier Vital Kamerhe par Parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa/Matete vers le Parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe pour fixation.Vital Kamerhe sera devant les juges, pour le début de son procès, le 11 mai 2020, de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe. Dans une citation à prévenu, le Directeur de cabinet du Chef de l’Etat congolais connaît désormais les accusations qui pèsent sur lui.

A charge des prévenus Samih Jammal et  Kamerhe Lwa Kanyigini Vital

  1. En l’espèce, avoir, entre les mois de mars 2019 et janvier 2020, comme co-auteurs par coopération directe, étant respectivement, Directeur Général de la Société SAMIBO SARL et Agent public de l’Etat, en l’occurrence personnel politique de la Présidence de la République, détourné la somme de 48,831148 $US qui était remise à la Société SAMIBO SARL pour l’achat et l’érection de 1500 maisons préfabriquées dans le cadre du projet des logements sociaux, au profit de cinq provinces de la République Démocratique du Congo, en l’occurrence celles de Kinshasa, du Kongo Central, du Kasaï Central, du Kasaï Oriental et du Sud Kivu, inscrit au programme de 100 jours initie initié par le Président de la République« Faits prévus et punis par les articles 21 et 23 du Code Pénal Livre 1 et 145 du Code Pénal Livre II »
  2. En l’espèce, avoir, dans les mêmes circonstances des lieux que ci-dessus, sans préjudice de date certaine, mais entre les mois d’août et septembre 2019, co-auteurs par coopération directe, étant respectivement. Directeur Général de la Société HUSMAL SARL et Agent public de l’Etat, en l’occurrence personnel politique de la Présidence de la République détourné la somme de 2.137.500$US (dollars américains deux millions cent Trente-sept mille cinq cents) qui était remise à la Société HUSMAL SARL pour l’achat et l’érection de 3.000 maisons préfabriquées pour les policiers et militaires de la ville de Kinshasa dans le cadre du programme de 100 jours initié par le président de la République

A charge des prévenus Kamerhe Lwa Kanyigini Vital et Muhima Ndoole Jeannot

La troisième prévention, s’agissant cette fois de Kamerhe et Muhima Ndoole Jeannot concerne le détournement de la somme de 1.100.000 USDO remis à Muhima pour le dédouanement  et le transport des maisons préfabriquées.Par ailleurs, une autre accusation concerne l’acceptation indirecte par l’intermédiaire de madame Soraya Mpiana qui est sa belle-fille de l’achat à son profit de la concession mesurant 70 mètres sur 100 mètres, située sur la baie Ngaliema, au quartier Basoko, dans la commune de Ngaliema, afin d’abuser de son influence réelle en tant que Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat et superviseur du programme de 100 jours initié par le Président de la République, pour faire gagner à Samih Jammal, sous les noms de ses sociétés SAMIBO SARL et HUSMAL SARL, les marchés publics de l’achat et de l’érection de 1500 et 3000 maisons préfabriquées en violation de la procédure d’appels d’offres et seuils fixés par la législation en matière de passation des marchés par voie de gré à gré.

Le 6 avril 2020, le génocide du Rwanda sera une fois encore commémoré à travers une histoire fabriquée

Le 6 avril 2020, c’est une nouvelle fois à travers l’histoire fabriquée par le régime du général Kagamé que va être commémoré le 26° anniversaire du génocide du Rwanda. Une histoire dont les trois principaux piliers ont pourtant été pulvérisés par l’historiographie. Ainsi :

1) Contrairement à ce qu’affirme cette histoire fabriquée, ce ne sont pas les « extrémistes hutu » qui ont abattu l’avion du président Habyarimana.

Le génocide du Rwanda ayant été déclenché par l’assassinat du président Habyarimana, l’impératif était donc de connaître les auteurs de ce crime. Or, les alliés du général Kagamé, Etats-Unis et Grande-Bretagne, ont interdit au TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) dépendant du Conseil de Sécurité de l’ONU (Résolution 955 du 8 novembre 1994), de chercher à les identifier.

Quant à la justice française, seule à avoir enquêté sur cet attentat, elle s’est prudemment défaussée après 21 ans d’accumulation d’éléments semblant pourtant désigner le camp du général Kagamé. Le 21 décembre 2018, suivant en cela les réquisitions du Parquet, elle a ainsi rendu un insolite non-lieu concernant les hauts cadres du général Kagamé que  le juge Bruguière accusait d’être les auteurs ou les commanditaires de l’attentat du 6 avril 1994. Insolite en effet car :

1) Les magistrats écartent la piste des « extrémistes hutu », innocentant ces derniers  de toute responsabilité dans l’attentat qui déclencha le génocide.

2) Ils énumèrent en revanche, et en détail, les nombreux éléments du dossier paraissant désigner à leurs yeux l’équipe du général Kagamé comme étant à l’origine de cet attentat.

3) Mais, in fine, les deux magistrats instructeurs prennent étrangement le contre-pied du déroulé de leur propre argumentation pour conclure que « L’accumulation (je souligne) des charges pesant sur les mis en examen (les membres du premier cercle du général Kagamé mis en examen par le juge Bruguière le 17 novembre 2006) (…) ne peut pas constituer des charges graves et concordantes permettant de les renvoyer devant la cour d’assises ».

Utilisant la seule conclusion de ce singulier non-lieu en taisant soigneusement la liste des charges l’impliquant  énumérées par les magistrats français, le régime de Kigali affirme avec un singulier aplomb qu’il n’est donc pour rien dans l’attentat du 6 avril 1994. Cela lui permet de continuer à soutenir que ce furent les « extrémistes hutu » qui commirent l’attentat alors que rien, ni dans le dossier de la justice française ainsi que nous venons de le voir, ni dans la monumentale masse de documentation étudiée par le TPIR, ne conduit à cette piste. D’autant plus que, présenté par l’histoire fabriquée comme étant l’ « architecte du génocide », donc comme celui qui l’aurait déclenché en faisant abattre l’avion du président Habyarimana, le colonel Bagosora a été totalement lavé de cette accusation par  le TPIR :

« No allegation implicating the Accused (Bagosora) in the assassination of the President is to be found in the indictment, the Pre-Trial Brief or any other Prosecution communication. Indeed, no actual evidence in support of that allegation was heard during the Prosecution case. » (TPIR- Decision on Request for Disclosure and Investigations Concerning the Assassination of President Habyarimana (TC) 17 october 2006).

2) Contrairement à ce qu’affirme l’histoire fabriquée, le génocide n’était pas programmé.

Si le régime de Kigali continue à affirmer contre toute vérité que ce furent les « extrémistes hutu » qui commirent l’attentat du 6 avril 1994, c’est parce que ce postulat couvre le cœur de leur mensonge historique qui est que ces mêmes « extrémistes hutu » ayant programmé le génocide, l’assassinat du président Habyarimana allait leur permettre d’avoir les mains libres pour le déclencher.

Or, ces « extrémistes hutu » qui, comme nous l’avons vu, ne sont pas les auteurs de l’attentat qui coûta la vie au président Habyarimana, n’avaient pas davantage programmé le génocide.

Ce point essentiel a été définitivement  établi devant le TPIR dont le Procureur n’a pas été en mesure de prouver l’existence d’une entente antérieure au 6 avril 1994 en vue de planifier et d’exécuter le dit génocide, ce qui a naturellement conduit à l’acquittement des principaux accusés de ce chef d’accusation majeur. Pour plus de détails à ce sujet on se reportera aux jugements dans les affaires Bagosora, Zigiranyirazo, Bizimungu, Ngirumpatse et Karemera que je présente dans Dix ans d’expertises devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Dans ces conditions, comme le génocide du Rwanda n’était pas programmé, nous en revenons donc à la question essentielle qui est de savoir qui a tué le président Habyarimana puisque ce meurtre fut l’élément déclencheur d’un génocide « improvisé » après le 6 avril 1994 par certains de ses partisans rendus hystériques par son assassinat.

3) Contrairement à ce qu’affirme l’histoire fabriquée, dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, quand il reprit unilatéralement la guerre, le but du général Kagamé n’était pas de sauver des vies, mais de conquérir militairement le pouvoir.

Toujours selon l’histoire fabriquée, le général Kagamé fut contraint de violer le cessez-le-feu en vigueur afin de sauver les populations du génocide. Or, une fois encore devant le TPIR, il a été établi que :

– Cette offensive fut lancée dès l’annonce de la mort du président Habyarimana, donc plusieurs heures avant les premiers massacres.

– Cette offensive contre l’armée nationale rwandaise désemparée par la mort de son chef d’état-major tué dans l’explosion de l’avion présidentiel, et dont l’armement avait été consigné par l’ONU dans le cadre du cessez-le-feu et des accords de paix, avait été minutieusement préparée depuis plusieurs semaines, les forces du général Kagamé n’attendant qu’un signal pour marcher sur Kigali.

– Afin de provoquer le chaos, les forces du général Kagamé attaquèrent en priorité les casernements de la gendarmerie afin d’interdire à cette dernière de rétablir la sécurité dans la ville de Kigali, ce qui était sa mission. Voilà pourquoi, dès le 7 avril, avant la vague des premiers massacres, le poste de gendarmerie hautement stratégique de Remera fut pris d’assaut. Quant au camp Kami, principale emprise de la gendarmerie à Kigali, fixée dans sa défense, sa garnison fut donc dans l’incapacité d’intervenir dans la ville pour y mettre un  terme aux massacres.

Ces  points fondamentaux réduisent à néant l’histoire officielle fabriquée par le régime du général Kagamé. Or, comme ils sont systématiquement ignorés par les médias, c’est donc une fausse histoire du génocide du Rwanda qui sera une fois de plus commémorée le 6 avril 2020.

Pour en savoir plus sur la construction et la déconstruction de cette fausse histoire, en plus du PDF : Dix ans d’expertises devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, on se reportera à mon livre intitulé Rwanda : un génocide en questions.

Bernard Lugan

Source : http://bernardlugan.blogspot.com/


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